logo

En Irak, le pouvoir paralysé par la plus grande manifestation depuis le début du mouvement

La contestation populaire contre le système politique ne faiblit pas en Irak et entre, vendredi, dans son deuxième mois. La plus haute autorité chiite du pays a mis en garde contre les ingérences étrangères.

C'est la plus grande mobilisation depuis un mois. Vendredi 1er novembre, des dizaines de milliers d'Irakiens se sont massés sur la place Tahrir à Bagdad, pour "la chute du régime" mais aussi pour critiquer l'implication de l'Iran dans les affaires du pays.

Un peu plus tôt dans la journée, le grand ayatollah Ali Sistani, la plus haute autorité chiite d'Irak a, lui aussi, mis en garde contre les ingérences étrangères. Il a estimé que le changement devait être "le choix des Irakiens" uniquement. "Aucune personne, aucun groupe, aucune partie régionale ou internationale ne peut confisquer la volonté des Irakiens et leur imposer son opinion", a affirmé le dignitaire religieux chiite, qui passe pour faire et défaire les Premiers ministres et n'a jusqu'ici pas retiré sa confiance à Adel Abdel Mahdi.

L'Irak, en proie à des manifestations et des violences depuis le 1er octobre qui ont déjà fait plus de 250 morts, en majorité des manifestants, est depuis quelques jours en pleine paralysie.

Les dirigeants proposent réformes sociales et élections anticipées alors que les manifestants à Bagdad et dans les villes du sud du pays campent sur une unique revendication : la chute de tout le système politique, divisé selon les allégeances aux deux grands alliés de l'Irak, eux-mêmes ennemis jurés, l'Iran et les États-Unis.

"Personne ne représente le peuple, ni l'Iran ni les partis ni les religieux. On veut (récupérer) notre pays", martèle à l'AFP Ali Ghazi, manifestant de 55 ans sur la place Tahrir de Bagdad. Vendredi, plusieurs dizaines de milliers de manifestants continuent d'occuper cette place emblématique de la capitale, martelant des slogans contre l'élite politique.

"Virage à 180 degrés"

La contestation, qui a commencé par réclamer des emplois, des services et la fin de la corruption avant de promettre d'"arracher par la racine" tous les politiciens, est "le défi le plus important pour le système post-2003", année de l'invasion américaine et de la chute de Saddam Hussein, estime Fanar Haddad, spécialiste de l'Irak.

Mais "les politiciens ne semblent pas l'avoir réalisé et tentent encore d'utiliser la situation pour marquer des points les uns contre les autres", affirme l'expert.

La situation a semblé évoluer mardi lorsque le populiste chiite, Moqtada Sadr, et le chef des paramilitaires pro-Iran du Hachd al-Chaabi au Parlement, Hadi al-Ameri, ont indiqué séparément vouloir "travailler ensemble" pour remplacer le Premier ministre, Adel Abdel Mahdi, qu'ils avaient porté au pouvoir il y a un an.

Ce dernier a de son côté proposé de démissionner si les partis se mettaient d'accord sur un nouveau Premier ministre. Mais mercredi, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, dont le pays exerce une forte influence en Irak via groupes armés et partis politiques, a appelé "ceux qui se sentent concernés" à "répondre à l'insécurité" en Irak.

Aussitôt, le Premier ministre irakien "a fait un virage à 180 degrés", assure à l'AFP un responsable gouvernemental, sous le couvert de l'anonymat. Depuis, le Parlement ne cesse de réclamer au Premier ministre de se présenter devant lui, en vain. L'assemblée se réunira de nouveau samedi.

"Gouffre des tueries"

Jeudi soir, peu après la proposition du président irakien Barham Saleh d'élections anticipées sans convaincre dans la rue, la pression était montée d'un cran avec un défilé de voitures klaxonnant sous les drapeaux blancs du Hachd à Bagdad. Cette démonstration de force avait fait redouter aux manifestants le début d'un mouvement qui s'opposerait au leur.

Depuis le début de la contestation, différentes factions armées se sont livrées à des démonstrations de force, notamment les brigades de la Paix de Moqtada Sadr, que les manifestants accusent de chercher à récupérer leur mouvement spontané. Vendredi, le grand ayatollah a appelé "les autorités compétentes à ne pas pousser des forces combattantes quels que soient leurs noms face aux manifestants pacifiques" pour ne pas "faire glisser le pays dans le gouffre des tueries internes".

Avec AFP