logo

Le tribunal administratif de Rennes, dans l'ouest de la France, a annulé l'arrêté antipesticides pris par le maire de Langouët, au motif que seul le ministre de l'Agriculture est chargé de la police administrative des produits phytopharmaceutiques.

Après le vaste débat lancé par l’arrêté antipesticides pris par le maire de Langouët, dans l'ouest de la France, la justice a tranché. Le tribunal administratif de Rennes a annoncé, vendredi 25 octobre, l’annulation de l’arrêté pris le 18 mai dernier par Daniel Cueff, qui interdisait l’usage des pesticides de synthèses à moins de 150 mètres des habitations de la commune. Un arrêté qui a fait des émules, amorçant un vaste débat sur la compétence d’un maire à prendre une telle décision.

Verdict du juge, cinq mois après les faits : le maire ne dispose pas de cette compétence. Pour justifier sa décision, le juge administratif rappelle que seul le ministre de l’Agriculture est "chargé de la police administrative des produits phytopharmaceutiques", et que "le maire d’une commune ne peut en aucun cas s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale par l’édiction d’une règlementation locale".

"C'est un coup dur parce que c'est le premier jugement qui est rendu au fond sur le plan national", a réagi Maître Arnaud Delomel, l'avocat de la commune de Langouët. "Aujourd'hui le premier réflexe c'est l'envie de faire appel, car nous considérons que cette décision n'est pas juste", a-t-il ajouté. "Nous allons peut-être attendre fin octobre début novembre de voir ce qui va sortir de la concertation lancée par le gouvernement." Langouët a deux mois pour faire appel.

Absence de "péril imminent"

Depuis l'arrêté du maire breton, 104 communes ont pris des arrêtés similaires, selon l’association Ragster, qui les épaule. Parmi elles, Paris, Nantes et Lille. Des arrêtés nourrissant un vaste débat sur l'usage des pesticides près des habitations, allant jusqu'à provoquer parfois des tensions entre riverains et agriculteurs.

Lors de l'audience sur le fond, qui s'est tenue le 14 octobre, le rapporteur public avait préconisé l'annulation et rappelé la différence entre légalité et légitimité. Il avait aussi estimé que l'État n'était pas responsable d'une "carence avérée", et souligné l'absence de "péril imminent".

Interrogé par l'AFP, Daniel Cueff s'est dit "évidemment déçu de cette décision parce qu'il s'agit de santé publique et qu'on ne doit pas rigoler avec ça".

Distance de 5 ou 10 mètres

"Le jugement du tribunal est d'une pauvreté dans l'argumentaire qui est incroyable et ne tient aucunement compte de ce que nous avons pu amener comme preuves", ajoute le maire. "En particulier le fait que l'autorisation de mise sur le marché (AMM) des pesticides de synthèse, de l'avis même de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, NDLR), n'a jamais fait l'objet d'analyses des conséquences pour les riverains", précise celui qui demandait l'application du principe de précaution.

Dans un compte-rendu de réunion du Comité de suivi des AMM de l'Anses, datant de septembre 2018, un expert de l'agence explique qu'en "ce qui concerne la protection des personnes présentes et des résidents, il n'y a pas à ce jour de mesures de gestion spécifiques dans les décisions d'autorisation de mise sur le marché".

Dans ce même document, le comité, saisi d'un cas particulier, estime "qu'un rayon de 500 mètres apparaît raisonnable" pour éviter que des cultures de pommiers soient contaminées par un pesticide utilisé par un cultivateur voisin.

Le 26 juin dernier, le Conseil d’État a en partie annulé un arrêté interministériel réglementant l’utilisation des pesticides, jugeant qu’il ne protégeait pas suffisamment la santé des riverains ni l’environnement.

Un nouveau projet d'arrêté ministériel prévoit de fixer à cinq ou dix mètres, selon les cultures, la distance minimale entre les habitations et les zones de pulvérisation des produits phytosanitaires chimiques.

Le gouvernement a promis de tenir compte des plus de 50 000 avis recueillis lors de la consultation publique avant de publier les textes définitifs pour une entrée en application au 1er janvier 2020.

Dans un communiqué publié vendredi, Daniel Cueff appelle "toutes les ONG engagées dans la protection de la santé et de l'environnement à exiger l'abrogation des AMM déjà délivrées inconsidérément par l'Anses et à engager toutes les actions administratives, civiles ou pénales nécessaires".

"Aujourd'hui je suis empêché de protéger ma population", a déploré Daniel Cueff. "Il va falloir que le ministre prenne les mesures qui sont exigées par le Conseil d'État. Si elles sont insuffisantes nous ferons appel", a-t-il indiqué.

Avec AFP