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Des milliers d'Irakiens continuent de réclamer la chute du gouvernement

La contestation antigouvernementale, qui a repris jeudi soir en Irak, se poursuivait vendredi matin. Plusieurs manifestants ont été tués à Bagdad ainsi qu'à Nassiryia, dans le sud du pays.

Au moins deux manifestants ont été tués, vendredi 25 octobre, à Bagdad, où le mouvement de contestation a repris la veille après avoir été endeuillé au début du mois par la mort de plus de 150 personnes, a indiqué la Commission gouvernementale pour les droits de l'Homme.

"Selon les premières informations, ils ont été touchés au visage par une grenade lacrymogène", a précisé à l'AFP Ali al-Bayati, membre de la Commission, ajoutant que près d'une centaine de manifestants et de membres des forces de l'ordre ont été blessés. Celles-ci ont tiré des gaz lacrymogènes pour disperser des milliers de manifestants aux portes de la Zone verte à Bagdad.

Le Premier ministre irakien, Adel Abdoul Mahdi, avait déclaré jeudi que le peuple était libre de manifester, mais il avait prévenu que la violence ne serait pas tolérée.

"Une démission du gouvernement aujourd'hui, sans alternative constitutionnelle, mènerait le pays au chaos", a-t-il déclaré lors d'une allocution télévisée.

L'ensemble des forces de sécurité ont été mises en alerte dès jeudi soir par le gouvernement d'Adel Abdel Mahdi, arrivé il y a tout juste un an au pouvoir.

Des milliers d'Irakiens continuent de réclamer la chute du gouvernement

Face aux forces de l'ordre, le leader chiite Moqtada al-Sadr entend mettre tout son poids dans le mouvement de contestation qui dénonce la corruption des dirigeants et réclame des emplois et des services fonctionnels dans un pays riche en pétrole, mais en pénurie chronique d'électricité et d'eau potable.

Cet ex-chef de milice devenu héraut des manifestants anticorruption a appelé ses partisans à manifester et a demandé à ses combattants de se tenir prêts à "protéger les manifestants", faisant redouter de nouvelles violences.

Début octobre, 157   personnes ont été tuées, en majorité des manifestants, selon un bilan officiel.

"Tous des voleurs"

Aux cris de "Tous des voleurs", des centaines de personnes ont manifesté jeudi sur l'emblématique place Tahrir de Bagdad, qui a été début octobre l'épicentre de la contestation.

À Nassiriya, chef-lieu de la province de Zi Qar du sud de l'Irak et bastion historique de la révolte, situé à 300 kilomètres plus au sud de la capitale, les manifestants ont appelé à des "sit-in jusqu'à la chute du régime".

Plusieurs milliers de manifestants se sont massés aux abords du siège du gouvernorat qui a été incendié et dont s'échappent des colonnes de fumée. Quatre manifestants y ont été tués par balles, portant le bilan total à 13 morts en une seule journée, après la reprise de la contestation antigouvernementale, selon des sources médicales et policières.

À Amara, dans le Sud, cinq manifestants ont été tués par balles lors de l'assaut du QG d'Assaïb al-Haq ("la ligue des vertueux, en arabe), l'une des factions les plus puissantes au sein de la coalition des paramilitaires du Hachd el-Chaabi. Le Hachd tient désormais le deuxième bloc du Parlement et soutient le gouvernement d'Adel Abdel Mahdi, dont la rue réclame la démission.

Les manifestations ont été rejointes dans l'après-mdi par les partisans de Moqtada Sadr, vainqueur des législatives et partie de la coalition gouvernementale, qui a réclamé la démission du cabinet et des élections anticipées dans le pays à majorité chiite.

Le gouvernement peut toujours compter sur le puissant Hachd al-Chaabi, dont plusieurs de ses chefs lui ont redit ces derniers jours leur "confiance".

Mardi, les autorités ont rendu public leur rapport d'enquête sur les violences qui n'a pas convaincu la classe politique et attisé la colère de la rue.

Usage "excessif" de la force

Elles y accusent les forces de l'ordre d'usage "excessif" de la force, mais ne résolvent pas la question des "tireurs non identifiés". Selon le rapport, 70   % des morts ont été touchés à la tête ou au torse.

Avant les nouvelles manifestations, la mission de l'ONU en Irak avait appelé le gouvernement à "tirer les leçons" de début octobre et à "prendre des mesures concrètes pour éviter la violence". Des députés et responsables politiques avaient appelé à "protéger" les manifestants.

Comme début octobre, les appels à manifester concernent la plupart des provinces du sud, chiite et tribal, et pas le nord et l'ouest du pays.

Dans le nord et l'ouest, majoritairement sunnites et repris il y a deux ans à l'organisation État islamique (OEI), personne n'a défilé, les militants disant redouter d'être réprimés et accusés de "terrorisme" ou de "soutien à l'ancien régime de Saddam Hussein", deux étiquettes déjà accolées aux manifestants par leurs détracteurs.

Avec AFP