
Après le rejet de la candidature de Sylvie Goulard, l'Élysée a annoncé, jeudi, qu'elle présentait celle de l'homme d'affaires et ancien ministre de l'Économie, Thierry Breton, au poste de commissaire européen.
Deux semaines après le rejet par les eurodéputés de la candidature de Sylvie Goulard, Emmanuel Macron a proposé Thierry Breton, 64 ans, actuel PDG du groupe Atos et ancien ministre de l'Économie [sous Jacques Chirac, de 2005 à 2007], comme nouveau membre français à la Commission européenne, a annoncé l'Élysée, jeudi 24 octobre.
"Le président de la République a transmis à Ursula von der Leyen, présidente élue de la Commission européenne, sa proposition de nommer Thierry Breton comme membre de la Commission européenne", a indiqué la présidence.
Principal enjeu pour Paris, le vaste portefeuille obtenu pour le Commissaire français – politique industrielle, marché intérieur, numérique, défense et espace – restera inchangé. Emmanuel Macron en a obtenu l'assurance d'Ursula von der Leyen, a précisé l'Élysée.
"Ce qui m'importe, c'est le portefeuille ! Je me suis battu pour un portefeuille", s'était écrié le chef de l'État, apprenant avec agacement l'éviction de Sylvie Goulard le 10 octobre, vécue comme un camouflet infligé par le Parlement européen.
"Une réputation d'homme d'action"
La future présidente de la Commission a déjà approuvé son nouveau choix. Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen "se sont mis d'accord sur ce profil après une discussion en amont. Si nous proposons ce candidat, c'est qu'il convient", commente l'Élysée. Avec son parcours qui mêle public, privé et politique, ainsi que sa connaissance de l'industrie, cet ami de Jacques Chirac coche en effet de nombreuses cases.
"Thierry Breton a des compétences solides dans les domaines couverts par ce portefeuille, en particulier l'industrie et le numérique, car il a été ministre de l'Économie, avec tutelle sur l'industrie. Il a aussi été patron de grands groupes industriels et du secteur de la défense [Thomson, France Télécom, Atos] et bénéficie d'une réputation solide d'homme d'action", fait valoir la présidence.
C'est lui qui, appelé à la tête de France Télécom lourdement endetté, avait redressé le groupe en réduisant ses coûts et avait conduit à sa privatisation. Il est aussi Macron-compatible, "aligné" avec les positions du chef de l'État. Il s'était rallié à sa candidature dès avant le premier tour, après le retrait d'Alain Juppé.
"Un européen convaincu"
"C'est aussi un européen convaincu, qui a conduit de nombreux projets franco-allemands", ajoute l'Élysée, en particulier à la tête d'Atos qui a un siège en France et un à Munich. Thierry Breton est un ardent défenseur du développement en l'Europe de supercalculateurs capables de rivaliser avec la Chine et les États-Unis.
En prime, il connaît Ursula von der Leyen, avec qui il a travaillé lorsqu'elle était ministre allemande de la Défense, sur la création d'un fonds européen de la défense et de la sécurité, pour doper les investissements européens dans ces domaines. C'est enfin un ancien élu de terrain, qui a été conseiller régional de Poitou-Charentes de 1988 à 1992.
Pour laisser le temps à la France, mais aussi à la Roumanie et la Hongrie, dont les candidats à la Commission ont été aussi écartés, de proposer de nouveaux noms, la prise de fonction de la nouvelle Commission a été repoussée d'un mois, au 1er décembre.
Emmanuel Macron n'a donc pas attendu le dernier moment pour trancher, après avoir passé de nombreux noms en revue : du négociateur du Brexit Michel Barnier à son conseiller Europe Clément Beaune, en passant par la ministre des Armées Florence Parly, le chef économiste de l'OCDE, Laurence Boone ou l'ex-membre du directoire de la BCE, Benoît Cœuré. Parité oblige, l'Éysée aurait préféré une femme, mais affirme ne pas avoir trouvé le profil adéquat.
Un risque de conflit d'intérêt ?
En revanche, choisir un grand patron comme candidat à la Commission accroît les risques de conflits d'intérêts. D'autant que le groupe Atos est un fournisseur de services informatiques de l'Union européenne. Thierry Breton avait déjà dû répondre à de nombreuses questions de conflits d'intérêt lorsqu'il avait été nommé à Bercy, après avoir dirigé France Télécom et Thomson. Il avait alors veillé à ce que les dossiers touchant ces entreprises soient traités directement par le Premier ministre.
"M. Breton a toujours fait preuve de rigueur pour éviter tout conflit d'intérêt", lorsqu'il était ministre en se déportant sur les dossiers pouvant le concerner, assure l'Élysée. D'ici à fin novembre, le candidat doit convaincre des eurodéputés particulièrement soucieux de transparence.
Il devra d'abord passer devant la commission parlementaire des affaires juridiques, chargée de se prononcer sur les éventuels conflits d'intérêts des futurs commissaires, qui a déjà évincé le Hongrois Laszlo Trocsanyi et la Roumaine Rovana Plumb. Puis il sera soumis, comme avant lui Sylvie Goulard, à l'audition des eurodéputés qui doivent donner leur aval.
Avec AFP