
La Turquie a intensifié ses bombardements meurtriers contre des cibles kurdes dans le nord de la Syrie, cherchant à s'emparer de secteurs frontaliers. Elle "ne stoppera pas" son opération, a prévenu le président Recep Tayyip Erdogan.
Au troisième jour de leur opération militaire dans le nord de la Syrie, les forces turques ont intensifié, vendredi 11 octobre, leurs bombardements meurtriers contre des cibles kurdes.
Cette offensive, qui a poussé 100 000 personnes à "quitter leurs foyers" selon l'ONU, ne devrait pas prendre fin dans l'immédiat. "Peu importe ce que certains disent, nous ne stopperons pas cette" opération visant les Unités de protection du peuple (YPG), a déclaré vendredi le président turc Recep Tayyip Erdogan lors d'un discours à Istanbul.
Après avoir retiré la semaine dernière leurs soldats de secteurs en Syrie près de la frontière turque, laissant le champ libre à cette offensive, les États-Unis, qui ont ensuite dit chercher à arranger un cessez-le-feu, ont fait des déclarations contradictoires.
Vendredi, le chef du Pentagone Mark Esper a mis en garde la Turquie contre de "graves conséquences" si elle n'interrompait pas son assaut. Mais il a aussi dit que les Turcs ne montraient aucun signe en vue d'un arrêt de leur offensive alors que le chef d'état-major de l'armée américaine, Mark Milley, estimait de son côté que l'offensive turque était "relativement limitée".
Voisine de la Syrie en guerre, la Turquie a lancé son opération mercredi, mettant en action des forces aériennes et terrestres contre une milice kurde syrienne qu'elle considère comme "un groupe terroriste" et qu'elle dit vouloir éloigner de sa frontière.
Des membres de l'organisation État islamique évadés ?
L'offensive a suscité un tollé international, plusieurs pays s'inquiétant du sort des civils mais aussi des membres de l'organisation État islamique détenus par les forces kurdes qui contrôlent de vastes régions du Nord syrien, et qui pourraient s'enfuir.
Semblant confirmer ces craintes, les autorités kurdes ont affirmé que cinq jihadistes du groupe État islamique s'étaient évadés d'une prison près de la ville à majorité kurde de Qamichli, après des raids turcs.
Offensive turque en Syrie : occasion inespérée pour le groupe Etat islamique ?
En outre, une émeute a éclaté dans le camp d'Al-Hol contrôlé par les Kurdes et où vivent des milliers de familles de jihadistes présumés. L'organisation État islamique a par ailleurs revendiqué un attentat à Qamichli qui a fait six morts.
Selon un dernier bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), 41 combattants kurdes et 17 civils ont péri depuis mercredi. Ankara a annoncé la mort de quatre soldats en Syrie et de 17 civils dans la chute de roquettes kurdes sur des villes frontalières en Turquie.
Dans le Nord syrien, les forces turques et leurs supplétifs syriens ont intensifié les bombardements, selon l'OSDH.
Objectif de la Turquie : éloigner les YPG de la frontière
"Que veut de nous Erdogan ? (...) C'est juste parce que nous sommes kurdes ?", demande une femme qui a trouvé refuge avec sa famille dans une école de la ville de Hassaké, plus au sud.
Des ONG ont mis en garde contre un nouveau désastre humanitaire en Syrie où la guerre, qui s'est complexifiée avec l'intervention de multiples acteurs régionaux et internationaux, a fait plus de 370 000 morts depuis 2011 et poussé des millions de personnes à la fuite.
D'après les médias turcs, Ankara souhaite prendre le contrôle de la bande entre Ras al-Aïn et Tal Abyad afin d'éloigner de la frontière la principale milice kurde syrienne, les YPG, épine dorsale des Forces démocratique syriennes (FDS) et principal acteur dans la défaite de l'organisation État islamique.

Avec son offensive, la Turquie espère créer une "zone de sécurité" où pourront être installés une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens vivant sur son sol.
En réponse aux critiques européennes contre l'offensive, le président turc Recep Tayyip Erdogan a d'ailleurs menacé d'envoyer en Europe des millions de réfugiés syriens accueillis par son pays.
Avec AFP