Admettant des "failles" dans le suivi de l'assaillant de la préfecture de police de Paris, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a réclamé lundi le signalement automatique des radicalisations.
Sous le feu des critiques depuis l'attaque de la préfecture de police, Christophe Castaner a admis des "failles" dans le suivi de l'assaillant, qui avait montré des signes de "radicalisation" en 2015. Le ministre de l'Intérieur devra s'expliquer mardi 8 octobre, à huis clos, devant la délégation parlementaire au renseignement, a indiqué son président, Christian Cambon.
Selon les premiers enseignements de l'enquête, Mickaël Harpon, l'informaticien de 45 ans qui a poignardé à mort quatre fonctionnaires avant d'être abattu, a pu adhérer à l'islam radical et fréquenter des personnes proches des milieux salafistes alors qu'il était employé dans la prestigieuse Direction du service de renseignement de la préfecture (DRPP), chargée précisément de détecter la radicalisation.
"Évidemment, il y a eu des failles", a reconnu le ministre de l'Intérieur dimanche sur TF1, estimant que le principal "dysfonctionnement" remontait à juillet 2015. Mickaël Harpon, converti à l'islam depuis une dizaine d'années, avait justifié devant des collègues l'attentat contre Charlie Hebdo.
Selon Christophe Castaner, un policier en charge de la radicalisation avait alors rencontré des collègues de Mickaël Harpon, qui auraient décidé de ne pas faire remonter de signalement administratif. "Le dysfonctionnement se fait à ce moment-là", a affirmé le ministre. Interrogé sur France Inter lundi matin, il a souhaité que chaque alerte fasse désormais l'objet d'un "signalement automatique".
Un mari violent
L'épouse du tueur, quant à elle, a été libérée dimanche après trois jours de garde à vue. Arrêtée jeudi après l'attaque meurtrière perpétrée par son mari, cette femme de 38 ans a été relâchée sans être poursuivie à ce stade, a-t-on appris de source judiciaire.
Les enquêteurs cherchaient d'éventuels éléments incriminants chez cette mère de deux enfants, qui s'était inquiétée "du comportement inhabituel et agité" de son époux la veille de l'attaque et avait échangé avec lui 33 SMS le matin des faits.
Par ailleurs, l'épouse du tueur a révélé qu'elle avait déposé une plainte en 2008 contre son mari pour violences volontaires avec plus de 8 jours d'incapacité totale de travail (ITT), avant de finalement retirer sa plainte.
Le tueur s'était réjoui de l'attaque contre Charlie Hebdo
Selon un rapport interne de la patronne de la DRPP, daté de samedi et révélé par France Inter, après l'attaque de Charlie Hebdo en 2015, Mickaël Harpon aurait précisément déclaré : "C'est bien fait", suscitant l'inquiétude de collègues. Ces "signes de radicalisation" n'avaient toutefois pas été suivis d'autres alertes significatives, selon ce document adressé à Christophe Castaner.
Les agents chargés des signalements de la radicalisation auraient ainsi régulièrement pris des nouvelles du comportement de l'informaticien auprès de ses collègues et de son chef, selon qui il n'y avait "aucun souci avec M. Harpon". Deux fonctionnaires ont affirmé d'ailleurs n'avoir à leur niveau, rien "détecté de suspect" dans son attitude, selon ce rapport.
Ce document de quatre pages fait apparaître la complexité du profil de l'assaillant, un employé "bien noté" qui avait cessé de faire la bise à une collègue mais ne manifestait "aucune animosité envers les femmes". En février 2019, il avait fait part de certaines "frustrations" liées à ses troubles auditifs "lourds" qui semblaient freiner sa carrière.
L'habilitation secret-défense devait être réexaminée en 2020
En attendant, les enquêteurs cherchent à éclaircir notamment la nature des informations auxquelles l'assaillant a pu avoir accès à la préfecture, où il travaillait depuis 2003.
D'après France Inter, le dernier examen de son habilitation secret-défense a eu lieu en 2013 et le prochain devait être effectué en 2020.
"Nous ne savons pas les informations auxquelles il a eu accès", a déclaré dimanche sur BFMTV le secrétaire d'État à l'Intérieur, Laurent Nuñez, qui a écarté "à ce stade" l'hypothèse selon laquelle il aurait fait partie d'une cellule jihadiste.
Avec AFP