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Donald Trump : le scandale, c’est simple comme un mystérieux coup de fil ?

Le président américain Donald Trump est accusé d’avoir passé un mystérieux coup de fil à un dirigeant étranger qui a inquiété un agent du renseignement au point de déposer une plainte officielle.

À qui ? De quoi   ? Et pourquoi est-ce qu’un agent américain du renseignement s’est senti obligé de déposer une plainte officielle auprès de ses supérieurs au sujet d’un appel passé entre un haut responsable du gouvernement américain et un dirigeant étranger   ? Telles sont les questions soulevées par le nouveau scandale qui agite Washington et qui risque de donner du fil à retordre au président Trump.

Les démocrates au Congrès sont, en effet, déterminés à connaître le contenu de cette plainte que l’administration américaine refuse de leur communiquer depuis plusieurs semaines. Ils le sont d’autant plus que le Washington Post a rapporté, jeudi 19 septembre, que le mystérieux appel aurait été passé par Donald Trump lui-même et qu’il aurait fait une “promesse” jugée “troublante” par l’agent qui l’a signalée.

Lanceur d’alerte

“Fake news”, s’est immédiatement écrié le président américain qui a affirmé, sur Twitter qu’il ne "ferait jamais que ce qui est juste et bon pour les États-Unis".

....Knowing all of this, is anybody dumb enough to believe that I would say something inappropriate with a foreign leader while on such a potentially “heavily populated” call. I would only do what is right anyway, and only do good for the USA!

  Donald J. Trump (@realDonaldTrump) September 19, 2019

L’affaire comporte d’importantes zones d’ombre, mais elle est symptomatique du climat de défiance entre l’administration Trump et un Congrès dominé par des démocrates qui cherchent par tous les moyens à faire tomber le locataire de la Maison Blanche.

Les faits remontent à début août 2019, peu avant que le président américain ne décide de débarquer son directeur du renseignement national, Dan Coats. Le 12 août, l’inspecteur général des services américains de renseignement reçoit une plainte déposée dans le cadre de la procédure dite de “lanceur d’alerte” qui permet de protéger l’anonymat de l’agent.

Les faits signalés ont été jugés suffisamment “légitimes” et “sérieux” pour qu’une enquête soit ouverte. La plainte ne faisait, en effet, pas seulement référence à un coup de fil, mais également à “plusieurs faits” constatés qui pourraient avoir des répercussions sur la sécurité nationale américaine, d’après le Washington Post.

D’affaire interne au petit monde du renseignement, le scandale prend une tournure très publique et politique, lorsque le responsable démocrate de la Commission du renseignement de la Chambre des représentants révèle, le 10 septembre, que le directeur du renseignement national a refusé de fournir la plainte aux élus. Les démocrates assurent que la loi impose que ce genre de document soit transmis à la commission – ce qui a toujours été le cas par le passé –, ce que conteste le ministère de la Justice. D’où la révolte des démocrates qui y voient une nouvelle preuve d’obstruction de la part de Donald Trump.

Poutine, l’émir du Qatar ou le président ukrainien ?

Surtout, ils se demandent quel secret a poussé la Maison Blanche à rompre avec la tradition de coopération entre l’exécutif et le Congrès sur ces questions. Trouver l’interlocuteur mystère est devenu le nouveau jeu de piste à la mode à Washington. Les soupçons se sont d’abord portés sur le président russe, Vladimir Poutine, avec qui Donald Trump s’est entretenu le 31   juillet. Un appel qui n’apparaît pas sur l’agenda officiel de la Maison Blanche, contrairement à des discussions qui se sont déroulées à la même époque avec le Premier ministre hollandais, celui du Pakistan ou encore avec l’émir du Qatar. Il avait fallu une annonce du Kremlin, début août, pour que le public américain apprenne l’existence de ce coup de fil.

Mais, d’après le Washington Post, c’est en réalité un appel au nouveau président ukrainien, l’ex-comédien Volodymyr Zelensky, qui a mis le lanceur d’alerte en émoi. Cette discussion, qui s’est déroulée début juillet, fait déjà l’objet d’une enquête à la Chambre des Représentants. Les démocrates se demandent si le président des États-Unis n’essaie pas de faire pression sur le gouvernement ukrainien pour ouvrir une enquête qui pourrait nuire au favori démocrate pour la présidentielle de 2020 : Joe Biden.

Le camp conservateur s’intéresse, en effet, de très près au travail effectué à partir de 2014 par Hunter Biden, le fils du candidat démocrate, pour le groupe énergétique ukrainien Burisma Holding. Il le soupçonne d’avoir commis des actes de corruption, et d’avoir bénéficié de l’aide de son père, alors encore vice-Président américain, pour échapper à des poursuites. Rudolph Giuliani, l’avocat personnel de Donald Trump, a publiquement déclaré à plusieurs reprises qu’il aimerait que l’Ukraine ouvre une enquête.

Les démocrates craignent que le président américain n'ait utilisé l’arme de l’aide financière américaine pour pousser son homologue ukrainien à l’aider à fragiliser un adversaire potentiel sur la route de sa réélection. En août, les médias américains avaient, en effet, découvert que l’administration américaine avait gelé une enveloppe de 250 millions de dollars promise à Kiev pour l’aider dans sa lutte contre les séparatistes ukrainiens pro-russes. Ces révélations avaient soulevé un tollé : démocrates et républicains avaient critiqué ensemble une décision jugée incompréhensible car elle fragilisait un allié américain et ne pouvait bénéficier qu’à Moscou.

L’envoi de ces fonds est-il la fameuse “promesse” évoquée dans la plainte du lanceur d’alerte   ? Ce sera probablement l’une des principales questions que les démocrates poseront à Joseph Maguire, le directeur du renseignement national, qui a été convoqué pour répondre aux interrogations des élus la semaine prochaine, tandis que Donald Trump, lui, rencontrera pour la première fois son homologue ukrainien en marge de l'intervention de Volodymyr Zelensky à la 74e session de l'Assemblée générale de l'ONU à New York, le 25 septembre.