Deux femmes seulement sont candidates à la présidentielle en Tunisie sur 26 candidats. Mais l'enjeu n'est pas seulement de mobiliser les femmes en politique, mais aussi de les inciter à participer au vote.
Dans une zone pratiquement désertique du sud tunisien, Insaf et ses collègues font des kilomètres de route. Ils font partie d'un programme de sensibilisation entre l'État, des associations et des bailleurs de fonds étrangers. Leur objectif ? Convaincre les femmes de petits villages d'aller voter le jour de la présidentielle qui aura lieu dimanche 15 septembre.
"Ici, les femmes ont peur d'aller voter surtout parce qu'elles ont peur que leurs voix ne servent à rien, elles se disent souvent, même si j'y vais et après ? Même si je donne ma voix qu'est-ce que cela va changer ?", décrit Insaf.
Ce désintérêt est souvent lié au manque d'information sur la vie politique ou sur les candidats dans ces zones marginalisées. Selon une étude, en 2018, aux élections municipales, le taux de participation des femmes au vote était de 20 % seulement. À Rjim Maâtoug, une ville de 4 000 habitants, certaines expriment leurs frustrations.
"Le problème c'est que l'on ne sait pas qui choisir. Souvent les femmes demandent à leur amie à la sortie du centre, 'pour qui tu as voté' ? Si tu as fait une croix pour celui-ci, alors moi aussi je vais voter pour lui. Elle ne sait pas faire le bon choix toute seule", explique l’une d’entre elle.
"C'est fatiguant d'aller voter dans ces conditions"
Mais une fois l'information passée, l'autre enjeu reste logistique. Dans ces zones isolées, les femmes n'ont souvent pas accès aux moyens de transport, comme Ranima qui doit faire sept kilomètres pour aller jusqu'à son bureau de vote : "Je me mets souvent le long de la route et j'attends que quelqu'un accepte de m'emmener, en faisant du stop. Mais franchement, c'est fatigant. C'est fatigant d'aller voter dans ces conditions".
Ces problèmes d'accessibilité aux bureaux de vote ont plusieurs fois été évoqués auprès des institutions à Tunis, mais il est difficile de trouver une solution. Ces soucis du quotidien font que les femmes se sentent peu représentées par les politiques qui ne seraient pas à l'écoute de leurs problèmes.
"Malheureusement, c'est devenu une stratégie pour certains hommes ou femmes politiques de jouer la carte du droit des femmes, mais honnêtement on voudrait que ce soit une priorité et non pas juste une carte à jouer", résume Sonia Ben Miled de l’ONG Aswat Nissa qui milite pour le droit des femmes.
En 2014, le président défunt Beji Caïd Essebsi disait avoir rassemblé le vote d'un million de femmes. Cette année, la participation de l'électorat féminin semble beaucoup plus incertaine.