Des militants prodémocratie ont commencé une marche non autorisée à Hong Kong, samedi. Dans la matinée, des centaines de familles s'étaient rassemblées "pour l'avenir de leurs enfants" en soutien au mouvement de protestation, débuté il y a deux mois.
Au lendemain du début d'un sit-in de milliers de personnes à l'aéroport de Hong Kong pour sensibiliser les visiteurs étrangers à leurs revendications, les militants prodémocratie maintiennent la pression, samedi 10 août, avec une marche non autorisée.
Des centaines de manifestants se sont rassemblés, samedi après-midi, dans le quartier de Tai Po, dans le secteur des Nouveaux Territoires (au nord de Hong Kong). Nombre d'entre eux tout vêtus de noir, en signe de reconnaissance, casqués, portant des masques ou des masques à gaz, appelaient à "sauver Hong Kong de la tyrannie" devant un commissariat protégé par des policiers portant des équipements anti-émeutes.
Un policier a brandi une pancarte bleue sur laquelle on pouvait lire : "Ce rassemblement ou ce défilé enfreint la loi. Dispersez-vous ou nous risquons d'utiliser la force".
Dans la soirée, la police de Hong Kong a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants dont la marche n'avait pas été autorisée, tandis que leur sit-in à l'aéroport international se poursuivait pour sensibiliser les visiteurs à leur mouvement.
"Les manifestations ont été initiées par (Carrie) Lam", cheffe de l'exécutif de Hong Kong, déclare à l'AFP une femme qui ne livre que son prénom Lo, "à chaque fois qu'elle s'exprime c'est pour condamner (les manifestations) mais elle ne propose aucune solution".
"Si le système politique de Hong Kong régresse et devient comme celui qui règne sur le continent (chinois), même sans manifestation et chaos, les gens ne seront pas davantage incités à y investir ou y faire des affaires", ajoute Chan, un étudiant qui, lui aussi, préfère n'être identifié que par son prénom.
Un abécédaire du mouvement de protestation pour les enfants
Samedi matin, des centaines de familles sont descendues dans les rues de l'ex-colonie britannique pour manifester leur soutien au mouvement prodémocratie.
L'ambiance bon enfant de ce rassemblement contrastait avec les affrontements de plus en plus violents qui ont marqué les récentes manifestations prodémocratie à Hong Kong.
Sur un petit dépliant multicolore distribué dans les rangs des familles qui manifestaient, un abécédaire expliquait le mouvement de protestation de manière ludique aux enfants : A pour "Angry" (colère), D comme "demonstration" (manifestation) ou encore P comme "protestation" (contestation).
Faye Lai, employée dans un théâtre, avec sa nièce de trois ans en poussette, déclarait manifester dans l'espoir que ce rassemblement aide les plus jeunes à comprendre la crise qui secoue Hong Kong.
"Nous devons expliquer aux enfants la situation dans laquelle se trouve actuellement Hong Kong et leur apprendre à quoi ressemble une bonne société", soulignait-elle. "L'avenir appartient aux enfants. L'avenir de Hong Kong leur appartient. Nous luttons pour les droits dont les enfants devraient jouir".
"C'est à la prochaine génération de comprendre l'importance d'un avenir"
Née du rejet d'un projet de loi controversé de l'exécutif hongkongais pro-Pékin qui voulait autoriser les extraditions vers la Chine, la mobilisation a depuis considérablement élargi ses revendications, avec en ligne de mire le pouvoir central chinois.
Cette mobilisation de familles qui se veut un rassemblement pour "l'avenir de nos enfants", a été autorisé par les autorités contrairement à plusieurs autres prévues par les protestataires qui prévoient d'intensifier leurs manifestations au cours du week-end, y compris la poursuite d'un sit-in de trois jours à l'aéroport international rassemblant des milliers de personnes.
"À ce stade, nous nous devons de participer à tous les événements, surtout ceux qui ont à cœur les générations futures, pas seulement les manifestations et les marches", a estimé Roger Cheng, un employé de bureau âgé de 50 ans. "Comme aujourd'hui, c'est à la prochaine génération de comprendre l'importance d'un avenir".
Des personnes âgées ont aussi organisé, samedi, un rassemblement, baptisé "cheveux d'argent", et délivré des pétitions au quartier général de la police et au bureau de la cheffe de l'exécutif de Hong Kong, Carrie Lam, pour marquer leur soutien au mouvement.
Des entreprises menacées de boycott
Les médias d'État chinois, relayés par des réseaux sociaux étroitement contrôlés, ont multiplié les appels à boycotter des entreprises soupçonnées de soutenir les manifestants pro-démocratie qui envahissent quotidiennement les rues de Hong Kong.
Parmi les cibles privilégiées de cette campagne orchestrée par Pékin : la compagnie aérienne hongkongaise Cathay Pacific, une maison de thé taïwanaise et le fabricant japonais de Pocari Sweat, une boisson énergétique très populaire.
"Les quatre péchés de Cathay Pacific Airlines", titrait la semaine dernière le Quotidien du peuple, organe de presse du Parti communiste au pouvoir. Celui-ci énumérait alors les actions des personnels du groupe considérées comme favorables au mouvement de contestation.
Une partie des personnels de Cathay Pacific s'est jointe au mouvement de contestation. Selon les médias locaux, un de ses pilotes a été inculpé pour participation à des émeutes.
John Slosar, président de Cathay Pacific, a pris mercredi la défense des employés du groupe, mettant en avant leur liberté de pensée. "Nous employons 27 000 personnes à Hong Kong" a-t-il déclaré devant la presse, "nous n'imaginons évidemment pas leur dire ce qu'ils ont à penser sur certains sujets."
Hong Kong connaît sa plus grave crise politique depuis sa rétrocession à Pékin par Londres en 1997, avec une vague de manifestations parfois violentes en cours depuis deux mois.
Avec AFP