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Une Marche des fiertés était organisée dimanche, à Saint-Denis, pour lutter contre l'homophobie ainsi que "la stigmatisation" des habitants des quartiers populaires. Une première en banlieue parisienne.

C'est lors d'une éclaircie dans le ciel de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) que la première "Marche des fiertés en banlieues" s'est lancée dimanche 9 juin, trois semaines avant la renommée "Gay pride" de la capitale voisine, Paris. Cet événement, soutenu par la majorité municipale communiste, est organisé par l'association Saint-Denis Ville Au Cœur, qui se présente comme "ouverte à tous dont le but est de stimuler la cohésion sociale à travers diverses actions de toutes natures".

En début d'après-midi, la place de la Déportation et de la Résistance s'est garnie de manifestants arborant les couleurs du drapeau arc-en-ciel. Les médias sont aussi venus en nombre. La marche s'est élancée avec du retard, mais dans la bonne humeur, tandis qu'en tête de cortège, la sono diffusait "Grand Paris", une chanson du rappeur Médine et où on peut entendre   : "Le 9-3 influence Paname, Paname influence le monde".

Cette Marche des fiertés, soutenue par plusieurs associations dont Act Up Paris, SOS Homophobie, l’Inter-LGBT et Acceptess Transgenres, a pour objectif de lutter contre l'homophobie, mais aussi de "changer l'image" de la ville de Saint-Denis en luttant contre "la stigmatisation" des habitants des quartiers populaires, explique à l'AFP Yanis Khames, cofondateur de l'association Saint-Denis Ville Au Cœur.

La revendication par le territoire

"Les personnes LGBT ne se trouvent pas uniquement dans Paris, elles sont aussi dans les quartiers populaires, et elles vivent des expériences autrement plus discriminantes que les personnes LGBT blanches", explique à France 24 Madjid Messaoudene, qui arbore son écharpe tricolore d'élu de Saint-Denis. "Elles subissent des discriminations sur la base de leur orientation sexuelle, mais aussi du racisme et d'un mépris de classe. L'idée, c'est qu'elles aient accès à la parole", ajoute-t-il.

Pour Laurent Russier, maire communiste de Saint-Denis, la Marche, à laquelle il a pris part, "avait deux objectifs". "D’abord, il fallait dire que ‘oui, il est possible d'organiser une Marche des fiertés’, même en banlieue, et on peut sensibiliser à ce sujet. Ensuite, c'est aussi un pied-de-nez pour ceux qui pensent qu'on ne peut pas vivre son homosexualité en banlieue", a-t-il expliqué à France 24

"La revendication commence par le territoire où on habite", avance Ali Atakay, 23 ans, habitant de la ville et membre de l'association Saint-Denis Ville Au Cœur. "On veut visibiliser les communautés LGBT des banlieues populaires, améliorer leur image toujours un peu stigmatisée dans les médias", estime le jeune homme d'origine turque.

"C'est important de soutenir une cause pour laquelle je suis concernée", explique à France 24 Elfie, serveuse de 21 ans, habitante de Saint-Denis. "Il y a des clichés sur les banlieues et sur les gays ; du coup, quand on est à l'intersection des deux, on est ‘invisibilisés’ et on nous met dans une case, voire on nous monte les uns contre les autres."

Première #Marchedesfiertés à Saint-Denis : "On veut visibiliser les communautés LGBTQI+ des banlieues populaires aujourd'hui", explique Ali Atakay, membre de l'association Saint-Denis ville au coeur pic.twitter.com/ULZ04XoL5J

  Jean-Luc Mounier (@mounierjl) 9 juin 2019

Le long du cortège, les passants semblent pour une partie indifférents à cette Marche. D'autres ont un regard parfois amusé, parfois défiant, au passage des militants LGBT. D'autres encore immortalisent avec leur téléphone une scène inhabituelle pour la ville dionysienne.

"Le but est de faire masse, de montrer qu'on existe", ajoute Anne, venue de Paris avec son amie Max. Elle qui espère que cette initiative sera "le commencement de quelque chose". Plus d'un millier de personnes ont participé à la marche, selon l'AFP, plus que les 800 qui avaient confirmé leur présence dimanche sur l'événement Facebook de la marche.

Cette marche s'inscrit aussi dans un climat de recrudescence des actes homophobes en France. Selon un rapport dévoilé en mai 2019 par SOS Homophobie, les agressions physiques envers les personnes LGBT (lesbiennes, gays, bis, trans) ont atteint dans le pays un niveau inégalé, en 2018, avec 231 agressions physiques recensées.

Le précédent rapport datait de 2013, année marquée par un pic des actes homophobes. Pic lié à l'adoption de la loi autorisant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe. Cette année-là, 188 agressions avaient été dénombrées.