Les leaders de la contestation au Soudan restaient déterminés, mercredi, malgré les violences de ces deux derniers jours. Au Conseil de sécurité de l'ONU, mardi soir, Pékin et Moscou ont bloqué une initiative appelant à la paix.
Pas de signe d'essoufflement. Mercredi 5 juin, deux jours après la dispersion sanglante d'un sit-in à Khartoum, la capitale soudanaise, et au lendemain de l'annulation par l'armée des accords passés avec les leaders de la société civile, les manifestants restent mobilisés. Les élections annoncées par le Conseil militaire de transition (CMT) ont été rejetées par l'opposition.
Mardi, les rues de Khartoum étaient restées quasi désertes. La plupart des commerces ont fermé. Seule une poignée de voitures et de "riksha", ces tricycles à moteur faisant office de taxi, circulaient. De nombreuses rues ont été bloquées par des pierres, des troncs d'arbres et des pneus : des barricades de fortune érigées par les manifestants face aux hommes lourdement armés des Forces de soutien rapide (RSF), déployées partout dans la capitale soudanaise.
Ces forces sont accusées par le mouvement de contestation d'être les principaux auteurs de la dispersion par la force du sit-in devant le QG de l'armée, lundi, qui a fait plusieurs dizaines de morts et des "centaines de blessés".
Selon une association de médecins affiliée au mouvement de protestation citée par Reuters, 60 personnes auraient trouvé la mort dans l'assaut de l'armée.
Hôpitaux attaqués
Lors d'une conférence de presse mardi à Londres, le Syndicat des médecins soudanais a accusé les forces de sécurité d'avoir attaqué des hôpitaux dans tout le pays. Des femmes ont été violées à Khartoum, a dénoncé l'organisation sans préciser d'où elle tirait ses informations.
"La situation est maintenant pire que jamais", a condamné l'Association des professionnels soudanais (SPA), clé de voute de la contestation. "Nous appelons tous les États et les organisations à isoler et à cesser de traiter avec le soi-disant Conseil militaire", a déclaré la SPA dans un communiqué, dénonçant des "crimes contre l'humanité".
Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni à huis clos, mardi, en urgence, pendant deux heures à la demande de l'Allemagne et du Royaume-Uni, qui ont fait circuler un communiqué appelant les militaires et les manifestants au Soudan à "continuer à travailler ensemble vers une solution consensuelle à la crise en cours", selon le document consulté par l'AFP. Mais l'initiative a été bloquée par la Chine, qui a fermement rejeté ce texte, et par la Russie, qui a exhorté à la prudence et insisté pour attendre une réponse de l'Union africaine, ont indiqué des diplomates.
Dans un communiqué commun, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Norvège ont estimé que "le peuple soudanais mérite une transition dans le calme, menée par des civils, qui puisse établir les conditions pour des élections libres et justes, plutôt que d'avoir des élections hâtives imposées".
Prières et manifestations
Malgré le déploiement massif d'hommes en uniformes et de véhicules des RSF, la contestation a appelé les Soudanais à se rendre dans la rue et dans les mosquées pour prier à l'occasion de l'Aïd el-Fitr, qui marque la fin du mois de ramadan, malgré une décision des autorités de fixer à mercredi la date de cette fête.
À Port-Soudan (est), sur la mer Rouge, après la prière, les fidèles ont défilé en criant "Chute du Conseil militaire" et "Pour un pouvoir civil", a indiqué un témoin.
Dans le quartier de Chambat à Khartoum, des Soudanais se sont réunis dans la rue pour prier, "mais les RSF et la police ont tiré des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes", selon un habitant. Et "les jeunes ont fermé la rue principale avec des barricades". À Chambat, comme dans un autre quartier de Khartoum, Burri, des coups de feu ont continué de retentir dans la soirée de mardi, selon des témoignages de résidents.
Avec AFP et Reuters