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Pékin sous haute surveillance pour les 30 ans de la répression sanglante de Tiananmen

Militants arrêtés, presse muselée, Internet censuré... L'État chinois a renforcé ses mesures de sécurité, à l'occasion des 30 ans, mardi, de la répression des manifestations de la place Tiananmen à Pékin.

Le gouvernement chinois impose une chape de silence à l'occasion des 30 ans, mardi 4 juin, de la répression sanglante des manifestations de la place Tiananmen à Pékin. L'anniversaire de l'intervention brutale de l'armée le 4 juin 1989 contre des manifestants pacifiques, qui réclamaient des réformes démocratiques et la fin de la corruption, fait toujours l'objet d'un tabou dans la sphère publique, voire dans les conversations privées.

La police vérifiait, mardi, les cartes d'identité de chaque touriste aux abords de la place Tiananmen y compris à la sortie du métro. À l'aube, un vidéojournaliste de l'AFP qui tentait d'accéder à la place Tiananmen pour la cérémonie quotidienne du lever des couleurs sur l'immense esplanade du cœur de Pékin s'est vu intimer l'ordre de rebrousser chemin."Il vous faut une autorisation du bureau d'administration de Tiananmen", ont expliqué les gardiens occupés à filtrer via des portiques électroniques les accès à la place.

Des militants des droits de l'Homme arrêtés

Ces mesures de sécurité étaient encore plus strictes qu'à l'accoutumée, au grand dam de touristes de province qui n'ont pas pu arriver à temps sur la place pour la cérémonie. En prévision de la date-anniversaire, le régime a arrêté ou éloigné des militants des droits de l'Homme et interdit aux médias chinois d'évoquer l'événement.

Le Parti communiste au pouvoir bloque depuis plusieurs années l'accès à plusieurs sites étrangers - comme Facebook, Google, ou Twitter - , où circulent des informations sur la répression. Le régime ordonne également aux réseaux sociaux de retirer tout contenu pouvant faire référence au massacre.

Un nombre de victimes inconnu

Pour rappel, de mi-avril à début juin 1989, des millions d'étudiants, rejoints par des ouvriers et des intellectuels, s'étaient mobilisés pour demander des changements démocratiques et dénoncer la corruption et l'inflation. Des soldats et des blindés avaient repris le contrôle de Pékin en faisant feu sur les manifestants et les simples civils présents le long des avenues et aux abords de la place Tiananmen.

Le nombre exact de victimes reste inconnu. Le gouvernement a évoqué "près de 300 morts", militaires compris. Mais la fourchette généralement admise est comprise entre 400 et plus d'un millier de décès.

Depuis Washington, le secrétaire d'État américain, Mike Pompeo, a rendu, lundi, un hommage appuyé aux "héros du peuple chinois qui se sont courageusement levés il y a 30 ans place Tiananmen pour exiger leurs droits".

Une "émeute contre-révolutionnaire"

Today, we call on China to release all those held for seeking to exercise their human rights and fundamental freedoms, to halt the use of arbitrary detention, and to reverse counterproductive policies that conflate terrorism with religious and political expression. #Tiananmen30

  Secretary Pompeo (@SecPompeo) June 3, 2019

Le patron du département d'État a paru faire son deuil de tout espoir de libéralisation du régime communiste. "Dans les décennies qui ont suivi (la répression), les États-Unis ont espéré que l'intégration de la Chine dans la communauté internationale déboucherait sur une société davantage ouverte et tolérante. Ces espoirs ont été balayés. L'État chinois à parti unique ne tolère aucune dissidence et viole les droits humains à chaque fois que c'est dans son intérêt", a-t-il affirmé

L'ambassade de Chine aux États-Unis n'a pas tardé à répliquer, condamnant "l'arrogance" du secrétaire d'État américain.

Une commémoration à Hong Kong

Pékin ne change pas d'un iota sa vision des événements, qualifiés il y a 30 ans d'"émeute contre-révolutionnaire". Le ministre de la Défense, Wei Fenghe, a estimé que l'intervention de l'armée avait été une décision "correcte", permettant d'assurer la "stabilité et le développement" de la Chine. Un éditorial du quotidien anglophone "Global Times", proche du pouvoir et au ton nationaliste, a lui jugé que la répression avait permis de "vacciner la société" contre toute agitation politique.

Une immense foule est cependant attendue mardi soir pour la traditionnelle veillée aux chandelles organisée annuellement à Hong Kong, le territoire autonome étant le seul endroit de Chine où une telle commémoration peut avoir lieu. Malgré une baisse de la participation ces dernières années, des dizaines de milliers de personnes devraient être présentes à cette manifestation, qui demande la justice pour les victimes et une démocratisation du pays.

Avec AFP