Les rebelles Houthis au Yémen ont amorcé samedi le retrait de leurs troupes dans trois ports de le région d'Hodeïda. Retrait confirmé par l'ONU, mais contesté par le gouvernement yéménite.
La gestion des trois ports d’Hodeïda va revenir aux Nations unies. Les Houthis ont commencé, samedi 11 mai, à évacuer les ports de Salif, Rass Issa et Hodeïda, à l’ouest du Yémen en guerre, et au cœur d’un bras de fer avec la coalition progouvernementale depuis 2018. Le début du retrait a été annoncé samedi par un porte-parole du mouvement chiite, puis a été confirmé par l'ONU, qui a déclaré dimanche que la première journée de redéploiement des rebelles Houthis s'est déroulée "conformément aux plans établis".
"Les trois ports ont été surveillés simultanément par des équipes des Nations unies, alors que les forces militaires quittaient les ports et que les gardes-côtes assumaient la responsabilité de la sécurité", a indiqué la mission onusienne dans un communiqué.
De son côté, le gouvernement yéménite a émis des doutes de façon répétée sur ce retrait, le qualifiant dimanche de "manipulation".
Les enjeux dans ces trois ports sont décisifs. Celui de Salif sert principalement au transport de céréales, et celui de Rass Issa est un terminal pétrolier. Le port de Hodeïda, quant à lui, permet le transit d'une bonne partie de l'aide humanitaire destinée aux populations au bord de la famine.
"Mouvements réels sur le terrain"
Annoncé à plusieurs reprises par l'ONU, notamment en février et en avril dernier, le retrait effectif des belligérants tarde à être mis en œuvre dans la région de Hodeïda, ce qui inquiète la communauté internationale. "L'ONU espère être bientôt en mesure de faire un rapport au Conseil de sécurité sur les mouvements réels sur le terrain", a déclaré une source onusienne sous couvert d'anonymat.
S'il était effectivement mis en œuvre, l'accord de désengagement à Hodeïda, agréé lors de pourparlers tenus en décembre sous l'égide de l'ONU en Suède, constituerait la meilleure chance à ce jour de faire progresser la paix au Yémen, où un conflit meurtrier se poursuit depuis plus de quatre ans, estiment des experts.
Mohammed Ali al-Houthi, l'un des chefs de la rébellion.a expliqué sur Twitter que le "retrait unilatéral" des rebelles survenait en raison du "refus" de la coalition progouvernementale soutenue par Riyad d'appliquer l'accord conclu en Suède. Il a notamment mis en cause l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, les États-Unis et la Grande-Bretagne, qualifiés de "pays de l'agression".
Doutes du gouvernement
De son côté, le gouvernement yéménite a salué l’annonce rebelle, tout en exprimant des doutes sur son exécution. "Nous saluons toute mesure en vue de la mise en œuvre de l'accord de Suède sur le redéploiement dans des ports de la province de Hodeïda, tout en mettant en garde contre les tentatives de la milice (des Houthis) de tromper la communauté internationale", a déclaré le ministre yéménite de l'Information Mouammar al-Iryani.
Al-Hassan Taher, responsable loyaliste et gouverneur de la province de Hodeïda, a été plus catégorique, affirmant que, dans les trois ports concernés, les combattants Houthis font semblant de se désengager alors qu'ils transfèrent l'autorité de ces installations à des forces de sécurité qui leur sont favorables, c'est-à-dire "à eux-mêmes".
Accusant le médiateur onusien Martin Griffiths de collaborer avec les rebelles, Al-Hassan Taher a déclaré qu’il n'y avait "aucune surveillance de la part de l'ONU et du gouvernement" pour ce retrait. "Martin Griffiths veut remporter une victoire, même si les Houthis se transfèrent [l'autorité] entre eux. Nous rejetons totalement cela et l'accord doit être mis en œuvre dans son intégralité, notamment en ce qui concerne l'identité des forces qui prendront la relève des Houthis".
Une première étape
Le redéploiement doit être supervisé par une mission d'observation de l'ONU dirigée par le général danois à la retraite Michael Lollesgaard. Ce dernier, après avoir salué, vendredi, "l'offre et l'intention" des Houthis de se désengager dans l'ouest, a estimé dimanche que cette première étape devait être considérée comme "la première partie du concept convenu pour la phase 1 des redéploiements généraux à Hodeida, conformément à l'accord de Stockholm".
Ce redéploiement devrait permettre à l'ONU de jouer "un rôle de premier plan pour aider la Compagnie des ports de la mer Rouge à gérer les ports" et renforcer les contrôles de l'ONU sur les cargaisons. Le gouvernement yéménite soutenu par Riyad n'a pas précisé s'il ferait un geste réciproque.
La coalition conduite par l'Arabie saoudite accuse les Houthis d'utiliser les ports de la mer Rouge pour introduire des armes au Yémen, ce que réfutent les rebelles.
La guerre au Yémen oppose des forces progouvernementales, appuyées militairement par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, aux rebelles Houthis, soutenus par l'Iran et qui contrôlent de vastes zones de l'ouest et du nord, dont la capitale Sanaa.
Le conflit a tué des dizaines de milliers de personnes, dont de nombreux civils, selon diverses organisations humanitaires. Environ 3,3 millions de personnes sont toujours déplacées et 24,1 millions, soit plus des deux-tiers de la population, ont besoin d'assistance, selon l'ONU.
Avec AFP et Reuters