
Des dizaines de milliers de fonctionnaires ont manifesté partout en France jeudi. Ils dénonçaient le passage en force à l'Assemblée nationale d'un projet gouvernemental censé "moderniser" leur statut.
Les fonctionnaires étaient nombreux à être descendus dans les rues, jeudi 9 mai, pour manifester contre le projet de loi censé "moderniser" leur statut, qui sera débattu à l'Assemblée nationale à compter du 13 mai.
Entre 108 900 personnes, selon le ministère de l'Intérieur, et 250 000 personnes, selon la CGT, ont manifesté dans toute la France. À Paris, ils étaient entre 18 000 et 30 000.
Marseille a ouvert cette journée avec 3 500 à 4 000 manifestants sur la Canebière, selon un décompte d'un journaliste de l'AFP, tandis que des agents se sont rassemblés à Ajaccio et Bastia.
À Nice, 6 % des écoles étaient fermées comme 60 % des cantines, des accueils de matin et du soir, et 40 % des crèches alors qu'un cortège fourni a défilé dans le centre.
À Lyon, ils étaient 3 300, selon la préfecture, 5 300 pour l'intersyndicale, et presque autant à Nantes (3 000 pour la police, 4 000 selon les organisateurs) où enseignants, employés des finances publiques, personnels de la fonction hospitalière soutenus par quelques gilets jaunes ont manifesté.
En tout, près de 150 manifestations avaient été prévues dans toute la France jeudi, selon les syndicats.
La crainte d'une fonction publique alignée sur les règles du privé
Il s'agisait de la quatrième journée nationale d'action dans la fonction publique depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron, après celles du 10 octobre 2017 et des 22 mars et 22 mai 2018.
Les neuf syndicats de la fonction publique (CGT, CFDT, FO, FSU, Solidaires, Unsa, FA-FP, CFE-CGC, CFTC) dénoncent le passage en force à l'Assemblé nationale d'une réforme à "la portée très grave", tant pour les agents que pour l'avenir des services publics.
Ils accusent le gouvernement de vouloir une fonction publique alignée sur les règles du privé, au détriment du statut de fonctionnaire et de l'indépendance des agents.
De son côté, le gouvernement a présenté son texte, qui facilite notamment le recours aux contractuels, comme une nécessité pour rendre l'administration "plus attractive et plus réactive" face aux "nouvelles attentes" des Français.
Suppression de 120 000 postes de fonctionnaires d'ici à 2022
Le projet de loi porté par le sécrétaire d'État Olivier Dussopt s'inscrit dans un objectif de suppression de 120 000 postes de fonctionnaires d'ici à 2022. Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, a qualifié d'"atteignable" cet objectif le 26 avril, alors qu'Emmanuel Macron s'était dit la veille prêt à "l'abandonner", demandant au gouvernement "son analyse d'ici l'été".
Le texte sera au menu de l'Assemblée nationale à compter de lundi prochain en première lecture. Le gouvernement souhaite le faire adopter avant l'été pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2020.
Les syndicats ont d'ores et déjà prévenu que la journée de jeudi ne serait "qu'une étape" d'une mobilisation "dans la durée" pour "dire non" à ce projet de loi présenté en Conseil des ministres le 27 mars et demander au gouvernement qu'il "ouvre enfin des négociations sur de nouvelles bases".
"On a atteint un point de non-retour"
Chez les enseignants, le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a dit tabler sur une grève d'"une certaine importance", anticipant un taux de grévistes "d'environ 15 %" dans le primaire, "moins" dans le secondaire.
Dans le secteur de la santé, une "forte mobilisation est attendue dans les établissements hospitaliers",selon Patrick Bourdillon de la CGT santé/action sociale, qui a déposé un préavis de grève national reconductible "spécifique aux urgences et aux Samu".
Depuis plusieurs semaines, des mouvements de grève essaiment aux urgences, notamment celles de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) mais aussi à Nantes, Strasbourg et Lyon, où les soignants réclament davantage de moyens pour faire face à l'engorgement de leurs services. "On a atteint un point de non-retour", a ajouté Patrick Bourdillon, dénonçant des services "en train d'exploser".
Bernadette Groison (FSU) parle de "désaccord profond avec l'orientation choisie par le gouvernement sur l'avenir de la fonction publique" et Gaëlle Martinez (Solidaires) d'un texte "qui fait l'unanimité contre lui".
À la CFDT, Mylène Jacquot cite "l'élargissement du recours au contrat" comme "vrai désaccord" tandis qu'à FO, Christian Grolier dénonce la surdité d'un "gouvernement anti-fonctionnaires" et que Luc Farré (Unsa) voit dans le texte une "boîte à outils" pour "privatiser à terme la fonction publique".
Avec AFP