
Dans le rapport sur la biodiversité de l'ONU présenté lundi, la restauration des écosystèmes fait figure de mesure phare, qui offre un rendement efficace tout en protégeant la nature. Pourtant, en France, les expérimentations manquent encore.
Le rapport des experts de l'ONU sur la biodiversité (IPBES) présenté lundi 6 mai avance plusieurs pistes pour protéger la biodiversité, alors qu'un million d’espèces sont aujourd’hui menacées. Parmi ces solutions, la restauration des écosystèmes suscite beaucoup d’espoirs. Cette technique permet d’éviter, voire d’inverser la dégradation des terres, donc de relancer la biodiversité là ou beaucoup d’autres options ne permettent que de ralentir son extinction. Hélene Soubelet, directrice de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, répond aux questions de France 24.
France 24 : En quoi consiste la restauration des écosystèmes ?
Hélene Soubelet : Cela peut prendre la forme d’une intervention directe de l’homme, notamment sur des sols pollués, par exemple, en introduisant des espèces bio-rémédiatrices qui capturent les polluants, ou bien en plantant des arbres sur un champ pour diversifier la production d’une surface et recréer du lien entre différentes cultures.
L’autre technique consiste simplement à laisser faire la nature : si on arrête la surexploitation et la monoculture, les conditions redeviennent favorables, les plantes repoussent et l’écosystème se recrée. Pour le milieu marin, c'est son exploitation qui pose problème : il faut interdire la pêche sur les zones côtières du littoral et créer des aires protégées en mer où toute activité humaine est interdite.
Quels sont les avantages de cette technique ?
C'est une solution majeure car elle permet de restaurer la biodiversité, mais aussi d’aider les populations locales et réparer des paysages détruits par la monoculture. En diversifiant les cultures, elle recrée une économie avec un meilleur partage des richesses et permet de lutter contre l’appropriation des terres. Sur le plan de la rentabilité, c’est également un système extrêmement efficace.
Beaucoup pensent encore que la monoculture permet un meilleur rendement, mais c’est faux. La production est en réalité très faible par rapport à la surface utilisée. Si vous diversifiez vos cultures sur une même surface, vous rentabilisez beaucoup mieux l’espace et obtenez de meilleurs produits, car les cultures se nourrissent entre elles.
Quelles sont les limites de la restauration des écosystèmes ?
Nous avons beaucoup d’exemples concrets de réussite, où la biodiversité recolonise le milieu, mais il est parfois difficile de prévoir quelles espèces vont se développer car les interactions sont complexes. Par ailleurs, l’intervention humaine présente toujours un risque, car l’homme à une connaissance très parcellaire des espèces, on n’en connait que 10 %. L’introduction des pesticides avait pour but d’augmenter le rendement, pas de détruire la nature, et on connaît maintenant la catastrophe qu’ils représentent.
Aujourd’hui, on peut dire que les connaissances scientifiques sont suffisantes, mais on manque encore d’expérimentation. Des modes d’agriculture diversifiés comme la permaculture ont été testés avec succès sur de petites surfaces, mais en Europe, on est rarement allé au-delà. Aujourd’hui, les États Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande ou l’Australie commencent à appliquer ces techniques sur de grandes surfaces.
En France, le gouvernment se dit impliqué dans la transition écologique. Pourtant, la monoculure reste le modèle dominant, comment l'expliquer ?
De manière générale il y a un manque d’implication des politiques et du monde de la finance. Le ministre de l’Agriculture doit donner les moyens aux agriculteurs d’aller vers la transition écologique. Pour eux, cela représente un risque économique conséquent et ils ne sont pas assez épaulés, malgré les beaux discours.
Les filières agricoles doivent jouer plus collectif et arrêter de défendre systématiquement leurs intérêts particuliers. Pour favoriser la restauration des écosystèmes, il faut accepter de changer de perspective économique et privilégier la rentabilité sur le long terme. À ce sujet, il y a une réelle prise de conscience des citoyens : beaucoup de gens quittent aujourd’hui les villes pour ouvrir des fermes écolos à la campagne, on observe une réelle tendance dans la population.
Mais le système français est à la traîne. À Paris, par exemple, où rien ne pousse, il n’y a que trois jours de réserve en nourriture pour la population. Que se passerait-il en cas de pénurie massive d’essence pour le ravitaillement ? Il faut restaurer les écosystèmes partout où c’est possible et arrêter de compter sur ces monocultures immenses qui détruisent l’environnement.