La Chine a reconnu, fin avril, avoir dû abattre plus d’un million de porcs pour tenter d’endiguer la progression d’une épidémie de peste porcine. Une crise sanitaire inédite qui pourrait avoir de profondes conséquences économiques mondiales.
Des millions de cochons morts, une filière décimée et de possibles conséquences sur les prix des produits alimentaires dans le monde. Une épidémie de peste porcine a ravagé la Chine ces huit derniers mois, et les autorités ont reconnu, le 24 avril, avoir dû procéder à l’abattage de 1,2 million d’animaux pour tenter d’endiguer la progression de la maladie, très contagieuse, mortelle dans près de 100 % des cas et qui ne se transmet pas à l'homme.
Mais des spécialistes, y compris ceux de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), assurent que le problème n’est pas encore maîtrisé et qu’il risque de peser lourdement sur les prix des produits alimentaires. “Le nombre de foyers de la maladie signalés par les autorités chinoises est en baisse, mais il est difficile de se faire une idée précise parce qu’on ne sait pas si tous les cas sont bien déclarés”, explique Carola Sauter-Louis, épidémiologiste et directrice de l’Institut fédéral allemand de recherche sur la santé animale, contactée par France 24.
Premier producteur et consommateur de porcs au monde
La Chine avait jusqu’à présent été épargnée par cette maladie découverte en 1921 au Kenya et qui a entraîné la mort de millions de cochons en Afrique et en Europe. “Je n’ai encore jamais assisté à une épidémie de cette ampleur”, a reconnu au quotidien britannique The Independant Arlan Suderman, économiste américain spécialiste des matières premières qui travaille avec une équipe de dix personnes en Chine. “L’importance de l’épidémie tient au fait qu’elle touche un pays qui est à la fois le premier producteur et le premier consommateur mondial de porc”, résume Carola Sauter-Louis. Les 1,4 milliard de Chinois consomment plus de 55 millions de tonnes de porc par an et, avec un cheptel de 430 000 têtes, produisent 52 % de la viande porcine mondiale.
L’ampleur de la crise a longtemps échappé à l’attention internationale car Pékin s’était empressé, dans un premier temps, d’en minimiser l’importance. Après avoir identifié un premier cas dans le nord du pays en août 2018, les autorités avaient traîné des pieds avant de se résoudre à reconnaître, début 2019, que la peste porcine s’était propagée en quelques mois à tout le territoire.
Le bacon et le jarret de porc plus cher
Au dernier recensement effectué par la FAO le 2 mai, il y a eu 129 foyers de maladie dans 31 provinces chinoises. Dans sa note mensuelle d’avril 2019 sur le marché mondial de l’élevage, le département américain de l’Agriculture a jugé que le cheptel chinois allait compter 130 millions de porcs de moins à cause de l’épidémie.
Les Chinois ont déjà commencé à ressentir les effets de la crise sanitaire. Les prix du porc ont grimpé de 21 % en un an, a indiqué le ministère chinois de l’Agriculture. Surtout, le pays qui, malgré sa production nationale, a toujours dû importer du porc pour satisfaire l’immense appétit de sa population pour cette viande, va devoir en acheter encore plus auprès des Européens, des Brésiliens ou encore des États-Unis.
Une aubaine pour certains. À Wall Street, l’action de Tyson Food, le plus important producteur américain de viande, a gagné 40 % depuis le début de l’année, et celles de deux exportateurs brésiliens de porc ont grimpé de plus de 60 % sur la même période, souligne le Wall Street Journal.
Mais cette opportunité commerciale “devrait avoir un impact profond sur les prix alimentaires dans le monde entier pour les consommateurs”, assurent les analystes de la banque néerlandaise Rabobank dans une note, citée par la chaîne économique américaine Bloomberg. Si les éleveurs européens et nord-américains exportent davantage de porc vers la Chine, ils en fournissent moins aux autres marchés… où les prix vont mécaniquement augmenter. Un phénomène qui a déjà commencé puisque le prix du bacon en Espagne a connu une hausse de 20 % en mars, tandis que celui du jarret de porc a grimpé de 17 % en Allemagne, où il est très prisé.
La peste porcine africaine en Chine devrait aussi affecter le prix du poulet. “Une partie des Chinois, pour qui le porc est devenu trop cher, cherchent déjà des alternatives et se tournent vers le poulet”, note le Financial Times. Le département américain de l’Agriculture anticipe, ainsi, une hausse des importations chinoises de poulet de 70 % en 2019.
L’épidémie de peste porcine pourrait même avoir “des conséquences géopolitiques”, estiment les analystes de Rabobank. Pour eux, le président chinois, Xi Jinping, pourrait être davantage enclin à signer la paix commerciale avec les États-Unis afin d’annuler les droits de douane que Pékin a instaurés sur les importations de porc nord-américain.