Ryanair figure désormais au classement des dix plus importants pollueurs européens. Une première pour une compagnie aérienne, symptomatique des dommages croissants que ce type de transport, de plus en plus populaire, inflige à l'environnement.
C'est une donnée révélatrice de la pollution émise par les transports aériens, qui croît à mesure que les vols, de plus en plus accessibles, se démocratisent. La compagnie low cost Ryanair intègre le top 10 des plus gros pollueurs européens, une première pour un transporteur aérien, le classement étant jusqu'ici occupé par des entreprises exploitant des centrales à charbon.
Ces données ont été publiées lundi 1er avril par la Commission européenne et relayées par l'ONG bruxelloise Transport & Environment, à l'origine de ce classement annuel.
Avec une augmentation de 6,9 % de ses émissions de CO2 en 2018, l'entreprise irlandaise occupe désormais la 10e place.
Pire : depuis 2013, selon des chiffres émanant de la Commission européenne, ces mêmes émissions ont augmenté de 26,3 % pour le transport aérien dans son ensemble.
Comment l'expliquer ? En quelques décennies, le secteur a tout simplement explosé. Rien qu'entre 2013 et 2017, le nombre de passagers transportés dans l'Union européenne est passé de 840 millions à plus d'un milliard. Et la tendance va s'amplifiant. En octobre 2018, l'association des compagnies aériennes internationales (Iata) tablait de son côté sur un doublement du trafic mondial sur les vingt prochaines années, pour atteindre 8,2 milliards de passagers en 2037 – contre 4,1 milliards en 2017.
Ryanair, qui propose des vols à prix cassés, n'est pas en reste : en 2017, la compagnie enregistrait un nombre record de 120 millions de passagers transportés.
Moins de contraintes et moins de taxes
"Cette augmentation est notamment due à la promotion du transport aérien par les compagnies et les pouvoirs publics. Les low cost et les petits aéroports bénéficient par ailleurs de subventions publiques directes qui permettent d'afficher des prix bas", fustige Lorelei Limousin, spécialiste des transports de l'ONG Réseau Action Climat, contactée par France 24.
Surtout, les compagnies aériennes ne sont pas soumises aux mêmes contraintes en ce qui concerne la réduction de gaz à effet de serre, contrairement au secteur automobile, ultra-réglementé. Ainsi, le projet Corsia, récemment adopté par l'Organisation de l'aviation civile internationale, ne vise pas la réduction des gaz à effets de serre, mais met en place un système de compensation du carbone émis. Une sorte de droit à polluer pour les compagnies, accordé si celles-ci financent des projets écologiques.
L'ONG Réseau action climat incrimine également la taxation extrêmement favorable dont bénéficient les compagnies européennes au sein de l'Union européenne.
"Contrairement aux autres carburants polluants, le kérosène utilisé pour les avions est totalement exonéré de taxes dans presque tous les pays européens. Les billets de vols européens et mondiaux sont aussi exemptés de TVA", regrette Lorelei Limousin. Pour la France, le manque à gagner en termes de recettes fiscales est de 3,6 milliards d'euros annuels, selon les estimations de Réseau action climat. Dans l'Hexagone, une TVA de 10 % est cependant appliquée sur les billets de vols nationaux – contre 20 % en vigueur pour la majorité des autres produits commercialisés.
"Développer des lignes ferroviaires grandes distances"
À l'origine de ces avantages, la convention de Chicago sur l'aviation civile internationale, adoptée en 1944. Il s'agissait à l'époque d'encourager le transport aérien balbutiant, bien des années avant une prise de conscience écologique.
"Cette tendance [à la pollution] se poursuivra jusqu'à ce que l'Europe se rende compte que ce secteur sous-taxé et sous-réglementé doit être mis en conformité, en commençant par une taxe sur le kérosène et l'introduction de mandats qui obligent les compagnies aériennes à passer aux carburants d'aviation zéro émission", a déclaré lundi dans un communiqué Andrew Murphy, directeur de l'ONG Transport & Environment.
Les choses bougent cependant. Certains pays taxent le kérosène : le Japon, les États-Unis, ou le Brésil. Les Pays-Bas et la Belgique, soutenus par la France, ont récemment proposé une taxation européenne de l'aviation au nom de la lutte contre le réchauffement climatique.
Mais au-delà de la taxation, plaide Réseau Action Climat, ce sont des alternatives pour le transport sur de longues distances qu'il faut encourager pour enrayer cette augmentation de la pollution par le transport aérien. Et parmi elles, le transport ferroviaire : "Une politique volontariste est nécessaire au niveau européen pour développer des lignes grandes distances", avance Lorelei Limousin, qui regrette la suppression, il y quelques années, de trains de nuit reliant Paris aux Pays-Bas, au Danemark, ou encore à l'Autriche.