Pour le cinquième vendredi consécutif, les Algériens ont manifesté pour demander le départ du président Abdelaziz Bouteflika, que certains de ses soutiens ont commencé à lâcher ces derniers jours.
Un mois après le début de la contestation, les Algériens sont restés mobilisés, avec de nouvelles manifestations vendredi 22 mars, pour réclamer le départ du président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 20 ans et dont le camp se fissure.
Selon les journalistes de l’AFP présents sur place, les manifestants étaient présents en très grand nombre dans les rues d'Alger. Aucun chiffre n'est disponible et la participation est difficile à établir, mais un cortège extrêmement compact a empli les rues convergeant vers la Grande Poste, bâtiment emblématique au cœur de la capitale algérienne. Les journalistes de Reuters ont estimé leur nombre à plusieurs centaines de milliers de personnes.
"Dégagez tous!", proclamait une banderole dans le cortège, où dominent, comme chaque semaine les couleurs du drapeau algérien, vert et blanc, frappé du croissant et de l'étoile rouges.
Les deux précédents vendredis ont vu une mobilisation record. Le 15 mars, des manifestations ont été enregistrées dans 40 des 48 préfectures du pays, selon des sources sécuritaires, et des diplomates ont évoqué "des millions" d'Algériens dans les rues.
Comme les semaines précédentes, de nombreux Algériens sont arrivés de province dès la veille. À l'instar de Younes Laroussi, chômeur de 24 ans venu de Tiaret, à 270 km d'Alger qui promet de marcher "chaque vendredi, jusqu'à ce qu'il y ait un changement radical […] de système".
Sur un trottoir du carrefour de la Grande-Poste, Hamid Sbaa, artiste peintre de 54 ans, a posé un chevalet et une toile, sur laquelle les passants sont invités à apposer un coup de pinceau. Le tableau s'appellera "Silmiya" ["pacifique" en arabe], l'un des mots d'ordre de cette contestation inédite en Algérie, qui, à l'exception de quelques heurts isolés en marge du cortège à Alger reste pacifique depuis un mois.
À Oran, deuxième ville du pays, "il y a beaucoup de monde" dans les rues, a indiqué à l'AFP un journaliste d'un média algérien sur place. Médias algériens et réseaux sociaux signalent également des manifestations dans de très nombreuses autres villes de ce pays pétrolier de 40 millions d'habitants.
Sur les réseaux sociaux, les appels à la mobilisation s'étaient poursuivis cette semaine autour des hashtags "Mouvement_du_22_mars", "Partez tous !", ou du slogan "Nous sommes unis, ils sont finis".
"Le peuple algérien exige le départ immédiat et sans conditions du président Bouteflika", indique une affichette circulant sur les réseaux sociaux, qui invite également "les responsables des pays qui soutiennent le pouvoir illégitime algérien à cesser (...) leur ingérence".
Les manifestations, sans précédent depuis l'élection d’Abdelaziz Bouteflika en 1999, sont restées jusque-là globalement pacifiques.
Aucune sortie de crise ne semble émerger
Lors d'une tournée à Rome, Moscou – allié historique d'Alger – et Berlin, le nouveau vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères algérien Ramtane Lamamra a répété et confirmé que le président algérien remettrait ses fonctions à un successeur élu lors d'une présidentielle dont la date n'a pas encore été fixée.
En reportant le 11 mars l'élection présidentielle prévue le 18 avril jusqu'à l'issue d'une conférence nationale chargée, à une date non précisée, de réformer le pays et de le doter d'une nouvelle Constitution, le chef de l'État a prolongé d'autorité son mandat actuel au-delà de son expiration constitutionnelle le 28 avril.
Aucune sortie de crise ne semble émerger, chaque camp campant sur ses positions. Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, affaibli par les séquelles d’un AVC qui, depuis 2013, l’empêchent de s’adresser de vive voix aux Algériens et rendent rares ses apparitions publiques, refuse de céder le pouvoir et le "prolongement" du mandat a continué d'être largement rejeté.
Étudiants, professeurs, professionnels de santé, avocats, magistrats ont tour à tour manifesté cette semaine, montrant que la mobilisation ne faiblissait pas.
Des fissures de plus en plus grandes chez les soutiens de Bouteflika
Côté pouvoir, les efforts du nouveau Premier ministre Noureddine Bedoui pour former un gouvernement rajeuni de "technocrates" semblent toujours stériles, dix jours après sa nomination et le camp présidentiel apparaît plus divisé que jamais face à l'attitude à adopter.
Les fissures apparues depuis le début de la contestation ont semblé s'élargir parmi ceux qui, il y a à peine plus d'un mois, étaient les plus fervents partisans d'un cinquième mandat du chef de l'État, dont la candidature a finalement jeté les Algériens dans la rue.
Mercredi, le patron de la propre formation du président Bouteflika, le Front de libération nationale (FLN), s'est ainsi livré à un exercice de grand écart, en assurant que l'ancien parti unique, au pouvoir depuis 1962, "soutient le mouvement" de contestation, tout en prônant le "dialogue" proposé par le chef de l'État.
Du côté du principal allié, le porte-parole du Rassemblement national démocratique (RND), Seddik Chihab, a affirmé que le parti s'était "trompé" en soutenant la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat. Plus grave, il a accusé des "forces non constitutionnelles" de diriger le pays, disant ne pas savoir qui décide "réellement" à la présidence. Un discours tenu habituellement par les plus féroces opposants au président Bouteflika.
Avec AFP