
En plus de la crise économique, une plaie supplémentaire touche le Venezuela : le pays aux deux présidents a été plongé dans le noir pendant plusieurs heures après une panne électrique. Le gouvernement dénonce un "sabotage".
Le Venezuela a été plongé dans le noir, jeudi 7 mars au soir, après une gigantesque panne électrique. La majeure partie du pays, comme la capitale, s'est retrouvée sans électricité pendant plusieurs heures.
À Caracas, le courant a été brusquement coupé à 16 h 50 heure locale (20h50 GMT) et la panne durait toujours vers 03 h 40 GMT, affectant tous les quartiers de la capitale et les services comme le métro et les feux de circulation. Près de huit heures après le début de la panne, les lumières ont commencé à se rallumer dans certains bâtiments de l'est de la capitale, a constaté l'AFP.
Les lignes téléphoniques et internet ont été également brusquement interrompues ainsi que la distribution de l'eau assurée par des pompes électriques dans certains immeubles.
Les coupures de courant sont habituelles au Venezuela, voire chroniques dans l'ouest. Mais elles sont plus rares à Caracas, surtout de cette ampleur.
Hormis les bâtiments alimentés par générateur, la ville, considérée comme l'une des plus dangereuses au monde et régulièrement désertée après la tombée du jour, était totalement plongée dans l'obscurité.
Nicolas Maduro dénonce un "sabotage"
Cette panne a été attribuée par le gouvernement de Nicolas Maduro au "sabotage" de la principale centrale du pays.
"Nous avons de nouveau été visés par la guerre de l'électricité. Cette fois, ils ont attaqué la centrale hydroélectrique de Guri", a déclaré le ministre de l'Énergie électrique, Motta Dominguez.
$Caracas et le #Venezuela plongés dans l'obscurité. Nicolàs #Maduro évoque "une guerre électrique fomentée par l'impérialisme américain" https://t.co/v7hJ4D5zUO
Karim Yahiaoui (@KrimoYahiaoui) 8 mars 2019Sur Twitter, le président Maduro a accusé les États-Unis. "La guerre de l'électricité annoncée et dirigée par l'impérialisme américain contre notre peuple sera mise en échec. Rien ni personne ne pourra vaincre le peuple de Bolivar et de Chavez. Patriotes, unissez-vous!", écrit-il.
"Une action criminelle"
"Ils ont saboté la centrale de Guri... C'est une guerre de l'électricité menée contre l'État. Nous ne le permettrons pas ! Nous sommes en train de travailler pour restaurer le service public", a affirmé sur Twitter la Compagnie nationale d'électricité (publique), Corpoelec.
Guri, dans l'État de Bolivar, est l'une des principales centrales électriques d'Amérique latine, avec celle d'Itaipu, entre le Brésil et le Paraguay.
"C'est un sabotage qui était prévu pour durer plusieurs jours, mais le courant sera rétabli dans les heures qui viennent", a affirmé le ministre de la Communication Jorge Rodriguez.
S'exprimant à la radio, près de quatre heures après le début de la panne, Jorge Rodriguez a dénoncé "une action criminelle". "Et à ces criminels, nous le disons : ils ne vont pas s'en sortir comme ça !", a-t-il lancé. Selon lui, il s'agit "d'un sabotage technique effectué directement sur le site de la centrale".
"Plus de six heures sans lumière à Caracas, un record"
Pour sa part, Juan Guaido, l'opposant autoproclamé président par intérim et reconnu par une cinquantaine de pays, a attribué la panne à l'incurie du gouvernement de Maduro, qu'il considère comme un "usurpateur".
"Plus de six heures sans lumière à Caracas, c'est un record. Chaos, inquiétude, indignation. Cette panne témoigne de l'inefficacité de l'usurpateur. La renaissance du circuit électrique et celle du Pays passent par la fin de l'usurpation", a tweeté l'opposant.
11 PM.
22 estados sin luz.
6 horas #SinLuz, en Caracas es un récord.
Caos, preocupación e indignación.
Este apagón evidencia la ineficiencia del usurpador. La recuperación del sector eléctrico y del país pasa por el cese de la usurpación. pic.twitter.com/cC8PVT3qyg
"On est épuisé"
Selon les habitants de Caracas, obligés pour la plupart de rentrer du travail à pied, provoquant des marées humaines sur les trottoirs, cette panne est l'une des plus importantes subies depuis plusieurs mois.
"On est épuisé...", a confié Estefania Pacheco, vendeuse dans un quartier du centre et mère de deux enfants, obligée de parcourir à pied 12 km pour regagner son domicile dans l'est de Caracas.
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Y la Colonia Tovar pic.twitter.com/qngG61a2hL
Selon les informations de la presse locale, la panne affectait le Venezuela de part en part, avec des coupures signalées dans la moitié des États, de Zulia, Tachira, Merida et Lara dans l'ouest à Miranda, Vargas, Aragua et Carabobo au centre-nord, jusque Cojedes (centre), Monagas et Anzoategui (est), ainsi que l'État de Bolivar dans le sud.
Plan de sécurité
Depuis un an, le président Maduro a demandé aux forces armées d'activer un plan spécial de sécurité pour protéger les installations électriques, mais les pannes continuent.
Des photos postées sur Twitter, jeudi soir, montrant des soldats gardant le site, mettent en doute leur efficacité.
Les experts accusent le gouvernement socialiste de ne pas avoir investi pour entretenir les infrastructures alors que la crise économique fait rage.
Dans les quartiers du nord-ouest de la ville, favorables à l'opposition, les résidents sont sortis aux fenêtres et en voiture pour entamer un bref concert de casseroles et de sifflets, un "cacerolazo" de contestation du gouvernement, alors que le pays est plongé dans une grave crise politique et économique.
Le PIB s'est effondré de 50 % depuis 2014, avec une hyperinflation de 10 millions pour cent et un salaire minimum mensuel de 18 000 bolivars (6 dollars environ) qui permet tout juste d'acheter deux poulets.
Depuis le 23 janvier, le Venezuela compte deux présidents : Nicolas Maduro, qui a entamé un deuxième mandat contesté en raison des accusations de fraude qui pèsent sur sa réélection; et Juan Guaido, président de l'Assemblée nationale, qui s'est à ce titre proclamé président par intérim et est reconnu par une cinquantaine de pays.
Avec AFP