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Le pouvoir en héritage

Ali Ben Bongo, fils d'Omar Bongo, a succédé à son père à la présidence du Gabon. Sur le continent africain, deux rejetons de présidents se sont déjà assis dans le fauteuil de papa.

GABON

Ali Bongo, dans les pas de "papa"

"Il n'y a pas de dauphin ! Qui dit que la succession est ouverte ?", protestait Omar Bongo Ondimba, 69 ans, au lendemain de l’élection présidentielle de 2005 au cours de laquelle il avait été réélu pour la sixième fois consécutive à la tête de son pays.

Mais la dynastie Bongo Ondimba a encore de beaux jours devant elle. L'aîné du clan, Ali, a succédé à son père lors de l'élection du 30 août dernier, malgré la contestation de deux candidats d'opposition, Pierre Mamboundou, candidat de l’Union du peuple gabonais (UPG) et l'ancien ministre de l'Intérieur André Mba Obame, "AMO".

Mais, si Ali Ben Bongo n'a pas hérité du charisme de son père resté au pouvoir pendant plus de 41 ans – il n’a pas sa maîtrise des dialectes locaux, ni sa capacité à se montrer proche du peuple – "Papa Bongo", décédé début juin, lui a cependant tout appris des us et coutumes en vigueur au sommet de l’État.

En 1989, alors qu’il n’a que 30 ans, Ali est ainsi nommé ministre des Affaires étrangères. Certes, sa première expérience gouvernementale ne dure alors que deux ans : l’introduction dans la Constitution d’un amendement imposant aux ministres d’être âgés d’au moins 35 ans l’oblige à démissionner. Mais le jeune loup a pris date. En 1999, pour son quarantième anniversaire, "Baby Zeus", comme on le surnomme, reçoit en cadeau le stratégique ministère de la Défense, qu’il n’a plus quitté jusqu'au 14 août dernier, s’attachant la fidélité des militaires en leur offrant régulièrement voitures de luxe et beaux uniformes.

En 2008, l’apparition, en France, de son nom dans l’affaire dite des "biens mal acquis" parce qu’il possède un appartement avenue Foch, à Paris, et deux Ferrari, ne remet absolument pas en cause ses ambitions. Sans surprise, Ali est désigné, en juillet dernier, candidat officiel du Parti démocratique gabonais (PDG), la toute puissante formation politique fondée par son défunt père, pour la présidentielle du 30 août. Largement favori, Ali Ben Bongo l’est d’autant plus que l’opposition peine à s’unir autour d’une candidature unique.

RDC

Joseph Kabila, plus jeune président au monde

Au lendemain de l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila, en janvier 2001, son fils, Joseph, seulement âgé de 29 ans, est propulsé à la tête de la République démocratique du Congo (RDC) par la garde rapprochée de son père, qui veut éviter un renversement du pouvoir.

Celui qui devient le plus jeune chef de l’État au monde est alors peu connu des Congolais et de la communauté internationale. Son seul fait d’armes fut d’avoir combattu dans l’ombre de son père le régime du maréchal Mobutu Sese Seko. Et d’avoir occupé, à sa chute en 1997, le poste de conseiller militaire auprès de son père autoproclamé président.

Alors que Kabila père avait placé le pays au ban des nations en refusant de suivre les recommandations des institu

tions internationales, Joseph Kabila, réputé austère et peu bavard, joue la carte de l'ouverture et renoue avec Washington, Paris et Bruxelles. Ainsi qu’avec les pays voisins.

Le jeune chef de l’État peut en effet se targuer d’avoir rétabli, un an après sa prise de fonctions, la paix avec le Rwanda et l'Ouganda voisins. Et, surtout, d’avoir tenu sa promesse de "conduire le peuple congolais" aux premières élections libres de son histoire. En 2006, il obtient 58,05 % des voix au deuxième tour de la présidentielle, devant le vice-président Jean-Pierre Bemba.

Mais après huit années passées au pouvoir, le plus dur reste à faire : la province du Nord-Kivu, dans l’est du pays, reste en proie aux violences entre l’armée congolaise et les rebelles hutus rwandais. Et le pays, riche en ressources naturelles, reste miné par le chômage, la pauvreté et la corruption.

TOGO

Faure Gnassingbé, du coup d'État à la légitimation par les urnes

À peine deux heures après le décès du président Gnassingbé Éyadema, le 5 février 2005, l'armée togolaise confie le pouvoir à son héritier désigné, son fils Faure Gnassingbé. À 38 ans, l’ancien ministre des Travaux publics, des Mines et des Télécommunications prend les rênes du pays grâce à une modification express de sa Constitution. Une manœuvre que les Occidentaux et l'Union africaine (UA) qualifient de "tentative de coup d’État"... La pression de la communauté internationale est telle que le nouveau chef de l’État est contraint de démissionner et d’annoncer la tenue d’une élection présidentielle dans les 60 jours.

 

Deux mois plus tard, celui-ci remporte le scrutin. Dans le sang. Les soupçons de fraudes qui entourent le vote (la télévision montre des militaires emportant des urnes) déclenchent de violentes émeutes, dont la répression provoque la mort de quelque 500 personnes.

Au pouvoir, la tâche qui attend le nouveau numéro un togolais est immense. S’il connaît, certes, le monde politique, "Faure" est d’abord un businessman. Avant de s'asseoir dans le fauteuil présidentiel, cet homme discret, réputé habile, gérait les affaires qui ont fait la fortune de sa famille (extraction des phosphates et téléphonie mobile, notamment).

En outre, son père, dont le règne sans partage a duré 38 ans, laisse derrière lui un pays rongé par les divisions. Conscient des difficultés qui l’attendent, Faure Gnassingbé déclare qu'il ne sera "ni le président du Nord, ni celui du Sud, mais celui de tout le Togo". Et, pour prouver sa bonne foi, donne son accord à la formation d'un gouvernement d'union nationale. La manœuvre s’avère payante : deux ans plus tard, à la faveur d’élections législatives dont le déroulement est salué par la communauté internationale, le fils d’Eyadema reçoit le soutien de l'Union européenne (UE) après 13 années d'embargo.

S’il fait preuve d’ouverture, Faure n’oublie pourtant pas de garder un œil vigilant sur certains de ses proches, qui nourrissent de la jalousie à son encontre. Et sur son demi-frère cadet Kpatcha en particulier, qui fut, par ailleurs, son ministre de la Défense. En 2006, le président lui a refusé les postes de Premier ministre et de président du Parlement, qui auraient pu lui servir de rampe de lancement en vue de la présidentielle de 2010…

Trois ans plus tard, le 14 avril dernier exactement, Kpatcha, accusé de tentative de coup d'État, est arrêté. Deux jours plus tard, Essolizam, un autre membre de la fratrie Gnassingbé, subit le même sort.