![Procès Monsanto : le géant de l'agrochimie nie l'existence des maux de Paul François Procès Monsanto : le géant de l'agrochimie nie l'existence des maux de Paul François](/data/posts/2022/07/24/1658641215_Proces-Monsanto-le-geant-de-l-agrochimie-nie-l-existence-des-maux-de-Paul-Francois.jpg)
Le groupe américain Monsanto a assuré, mercredi, devant la cour d'appel de Lyon, que les troubles dont souffre l'agriculteur charentais Paul François ne "pouvaient exister".
"Le lien entre les troubles neurologiques évoqués par Paul François et le Lasso n'est pas établi. Ça ne peut pas exister", a affirmé mercredi 6 février Ève Duminy, une des avocates du groupe d'agrochimie, avant d'ajouter : "Il n' y a aucun témoin direct de ce qui s'est passé, il n'y a pas de preuve pertinente."
La défense de Monsanto s’est employée, devant la cour d’appel de Lyon, à nier l’existence des multiples troubles neurologiques et organiques dont se plaint depuis 12 ans l’agriculteur Paul François après avoir inhalé accidentellement de l’herbicide Lasso produit par la multinationale.
Le céréalier de 55 ans mène depuis 2007 un bras de fer judiciaire contre Monsanto, qu'il désigne comme responsable de sa grave intoxication en 2004 au Lasso, désormais interdit. Il réclame un million d'euros d'indemnités.
Pas de préjudice, selon Monsanto
La multinationale américaine a été condamnée en première instance en France en 2012, puis en appel en 2015. La Cour de cassation, saisie par Monsanto (racheté depuis par l'Allemand Bayer), a annulé cette décision en 2017.
Paul François décrit des périodes de coma, des crises d’épilepsie, des troubles de l’équilibre et de la mémoire, des maux de tête, des pertes de connaissance, ainsi que des troubles neurologiques et hépatiques.
"En réalité, tous les bilans de Paul François sont normaux, il ne souffre d’aucun problème organique, mais de manifestations anxieuses. Il n’y a pas de préjudice", a encore déclaré une des avocates de Monsanto, Eve Dumily.
Elle s’est appuyée sur "neuf experts différents qui contredisent l’expertise médicale fantaisiste". "Tous les maux dont s’est plaint Paul François, pendant des mois et des années après l’inhalation sont impossibles, ils ne peuvent pas exister", a-t-elle dit en remettant en cause également la version de l’accident présentée par l’agriculteur qui dit avoir été assailli par les vapeurs de Lasso lorsqu’il a ouvert sa cuve en plein été par une chaleur de 30°.
"Il n’y a pas de preuve de l’exposition de Paul François au produit. Il n’y a aucun témoin direct, aucune preuve pertinente", a ajouté Me Duminy.
Imprudence
Monsanto, qui n’était représenté que par ses avocats, a également rejeté les accusations de défaut d’étiquetage de son produit, avançant que le céréalier des Charentes avait fait preuve d’imprudence dans la manipulation du produit.
"À l’époque, les règles sur l’étiquetage ne demandaient pas de stipuler le pourcentage de monochlorobenzène. Et il est faux d’affirmer qu’il y avait un défaut d’information", a plaidé Jean-Daniel Bretzner. "Paul François est un professionnel et il est précisé qu’il faut se protéger le visage, les yeux et la peau."
François Lafforgue, avocat de l’agriculteur, a lui mis en cause la fiabilité des experts médicaux cités par Monsanto. "Cette stratégie de doute est entretenue avec l’aide de consultants. Les neuf experts cités ne sont pas des experts judiciaires, mais des consultants payés par Monsanto", a-t-il assuré. Il a cité en retour la multitude d’avis de médecins consultés par l’agriculteur après l’accident, ainsi qu’une analyse de cheveux permettant de dater l’intoxication.
"Paul François aurait pu mourir ce jour-là", a-t-il conclu en détaillant la fiche toxicologique du produit, dont aucune mention n’était faite sur l’étiquette du produit. "Il n’y avait rien sur sa composition, rien sur les risques encourus, rien sur les effets secondaires."
"La vraie victoire"
Une porte-parole de Bayer a déclaré que la société souhaitait "rappeler que l’utilisation de produits phytosanitaires ne présente pas de risque pour la santé humaine lorsque ceux-ci sont utilisés dans les conditions d’emploi définies dans le cadre de leur autorisation de mise sur le marché. Ces produits, très utiles pour les agriculteurs, font partie des produits dont l’évaluation et la commercialisation sont les plus strictement encadrées dans le monde".
La dénonciation de la multinationale a été partagée par l'ancien ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, qui a déclaré dimanche dans le JDD avoir appris que "Monsanto avait demandé à une officine belge de s'occuper de (s)a réputation", ce que dément le groupe.
"On va peut-être perdre contre Monsanto, mais j'ai depuis converti mon exploitation de 200 hectares en agriculture biologique et c'est ça, la vraie victoire", s'est félicité Paul François. "Cette affaire m'a amené à ouvrir les yeux et à passer à une autre agriculture. J'ai repris ma liberté d'agriculteur."
Avec Reuters