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Militantes saoudiennes en prison : la sœur d'une activiste interpelle Mike Pompeo

"Mike Pompeo va-t-il rester silencieux ?" Dans le New York Times, Alia al-Hathloul appelle le secrétaire d'État américain en visite à Riyad à évoquer le cas des militantes saoudiennes emprisonnées. Parmi elles, sa soeur Loujain.

Elle a longtemps tenu à garder "son chagrin et ses pensées" pour elle. Huit mois après l’emprisonnement de sa sœur Loujain al-Hathloul, en Arabie Saoudite, sa sœur Alia – qui a collaboré plusieurs années pour la rédaction de France 24 – a décidé de ne plus se taire. Dans une tribune publiée par le New York Times dimanche 13 janvier, celle qui vit désormais en Belgique interpelle le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, en visite officielle à Riyad lundi, au vu du menu des discussions (le Yémen, l’Iran, la Syrie et le dossier Jamal Khashoggi) : "Je suis frappée par un sujet qui n'est pas inclus dans la visite de Pompeo : le sort des courageuses militantes en Arabie saoudite qui sont détenues dans les prisons du royaume juste pour avoir cherché à avoir accès à leurs droits et à la dignité", a-t-elle écrit.

Le 15 mai dernier, une dizaine de militantes ont été placées en détention. Et parmi elles, Loujain al-Hathloul et la blogueuse Eman al-Nafjan, qui militent "sans relâche" depuis plusieurs années pour défendre les femmes à prendre le volant. Sa sœur est notamment connue pour avoir bravé l’interdiction de conduire entre les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite en décembre 2014, ce qui lui a coûté 73 jours d’emprisonnement et plusieurs mois d’interdiction de voyager.

Cette vague d’arrestations – dont le chef d'inculpation n'est pas clairement établi – a surpris, d’autant que Riyad s’était engagé depuis plusieurs mois déjà à lever l’interdiction des femmes à conduire. Alia Al-Hathloul a alors cru que sa sœur allait retrouver la liberté lors de cette journée historique, le 24 juin. Il n’en fut rien. Malgré la déception, Alia Al-Hathloul a continué de "garder le silence, dans l’espoir de continuer à la protéger".

"Ce cauchemar est terminé"

Aujourd’hui, Alia a décidé de ne plus se taire, et de lever un peu plus le voile sur les conditions de détention de sa sœur. Durant les quatre premiers mois de détention, Loujain est à l’isolement avant d’être transférée, en septembre, dans la prison de Dhaban à Jeddah, où ses parents peuvent lui rendre visite une fois par mois. Sa soeur "confirme avoir été torturée entre mai et août, à l’époque où les visites n’étaient pas autorisées”, écrit Alia.

Loujain, qu’elle décrit "comme forte et résiliente", a été victime de "coups, de décharges électriques, de harcèlement sexuel, et de menaces de viol et de meurtre". Ces propos viennent ainsi confirmer les rapports alarmants, publiés en novembre par deux ONG (Human Rights Watch et Amnesty International), sur les cas de torture subis par des militants politiques et des défenseurs des droits humains dans des prisons saoudiennes.

L’appel d’Alia Al-Hathloul sera-t-il entendu ? Difficile d’y croire. Sur la chaîne américaine Fox News, le secrétaire d'État américain a réaffirmé que les relations américano-saoudiennes restaient "incroyablement importantes pour les Américains". Pour l'administration Trump, l'Arabie saoudite joue un rôle irremplaçable à plusieurs titres. D'abord pour son engagement, avec un soutien du Pentagone, dans la guerre au Yémen contre les rebelles houthis appuyés par l'Iran. Ensuite pour les importants contrats de ventes d'armes américaines au royaume du Golfe, mais aussi sur les prix du pétrole.

Reste que le tweet du fondateur du think tank Arabia, spécialisé dans la géopolitique au Moyen-Orient, Ali Shihabi, laisse poindre un espoir. "Je reçois des signaux forts de Riyad que ce cauchemar (dont les auteurs ne sont plus dans le gouvernement) est terminé et qu’elle sera libérée bientôt. Espérons que ce sera le cas."

A heart wrenching story by Lujain's sister. I get strong signals from Riyadh that this nightmare (whose perpetrators are no longer in government) is over and she will be released soon. Hopefully this will be the case. https://t.co/oMUX4cyBou

  Ali Shihabi (@aliShihabi) 13 janvier 2019