Les Malgaches se rendent aux urnes, mercredi, pour le second tour de la présidentielle qui oppose Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina. Ce duel entre deux ex-chefs d'État, rivaux de longue date, fait craindre des violences post-électorales.
L'île de Madagascar a commencé à voter, mercredi 19 décembre, pour le second tour d'une élection présidentielle au fort goût de règlement de comptes personnel entre les deux hommes forts de sa vie politique, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, déterminés à retrouver le pouvoir.
Les quelque 25 000 bureaux de vote du pays ont ouvert à 6 h et le resteront jusqu'à 17 h (de 3 h à 14 h GMT). Les premiers résultats significatifs sont attendus après Noël.
Depuis des mois, la rivalité est féroce entre les deux ex-chefs de l'État, faisant redouter une nouvelle vague de tensions post-électorales dans un pays qui a connu son lot de crises depuis son indépendance, en 1960. Inquiète, l'influente conférence des évêques catholiques de Madagascar a exhorté lundi les deux camps à "accueillir humblement le vrai choix du peuple".
Léger avantage pour Rajoelina
Lors de leur deuxième débat télévisé dimanche, Marc Ravalomanana a mis en garde contre le risque de fraude. "Il y a de fausses cartes d'identité et de fausses cartes d'électeurs qui circulent en ce moment, a-t-il affirmé, si le ministère de l'Intérieur ne fait rien, il va y avoir de sérieux problèmes". "Ça ne va pas si, dès maintenant, nous nous mettons à contester les résultats d'une élection qui n'a pas encore eu lieu", lui a rétorqué, sûr de lui, Andry Rajoelina.
Lors du premier tour du 7 novembre, Andry Rajoelina, 44 ans, a pris un léger avantage en recueillant 39,23 % des suffrages, contre 35,35 % à Marc Ravalomanana, 69 ans. L'aura des deux hommes et surtout leurs moyens financiers, apparemment sans limite, ont balayé leurs 34 adversaires. Le sortant Hery Rajaonarimampianina a lui-même été sèchement remercié avec 8,82 % des voix.
Rancunes personnelles
Élu chef de l'État en 2002, Marc Ravalomanana a été contraint à la démission sept ans plus tard par une vague de violentes manifestations ourdies par Andry Rajoelina. Maire de la capitale Antananarivo, ce dernier avait alors été installé par l'armée à la tête du pays. Les deux rivaux avaient été privés de candidature à l'élection de 2013, dans le cadre d'un accord de sortie de crise validé par la communauté internationale.
Les deux hommes ont laissé ces dernières semaines libre cours à leur rancunes personnelles. Marc Ravalomanana a dénoncé le "coup d'État" mené par son successeur et vanté sa propre expérience. "Je ne travaille pas pour moi ou pour m'enrichir, a-t-il lancé, je ferai tout pour faire de Madagascar un pays développé". Andry Rajoelina a riposté en qualifiant son adversaire de "vieillard", et en lui conseillant de "prendre sa retraite pour aller traire ses vaches". "Je serai un président du petit peuple qui protège les pauvres", a-t-il assuré.
Ces derniers jours, les deux prétendants ont quadrillé le pays dans leurs hélicoptères pour consolider leurs bastions et rallier les abstentionnistes, de loin le premier parti de la Grande île avec 45,7 % d'abstention au premier tour. Sans compter, ils ont distribué promesses et dons en tous genres dans un clientélisme totalement décomplexé.
"Choc de deux égos"
"Il n'y a pas eu de vrai débat sur les solutions à apporter à ces problèmes, juste de la propagande", déplore Hony Radaert, du Collectif des citoyens, "je doute qu'aucun des deux [candidats] n'ait tiré les leçons des échecs du passé".
"Nous avons assisté au choc de deux egos qui ne se voient pas perdre", redoute pour sa part Sahonda Rabenarivo, de l'Observatoire de la vie politique malgache (Sefafi). "Ils pourraient aller jusqu'à la rupture en cas de défaite, surtout si les résultats sont très serrés."
Ancien ministre de l'Éducation et candidat malheureux au premier tour, l'universitaire Paul Rabary résume sans détour les enjeux du scrutin. "Pour Marc Ravalomanana, c'est une question de vie ou de mort. Son groupe [agroalimentaire] ne peut pas survivre s'il ne reprend pas le pouvoir", dit-il. "Quant à Andry Rajoelina, son histoire personnelle est salie par le coup d'État. Il doit gagner pour laver son honneur."
Avec AFP