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Le processus politique imaginé par le médiateur de l'ONU pour le Yémen a connu une accélération positive, mardi, avec l'arrivée d’une délégation de Houthis en Suède, où doivent se tenir des discussions de paix avec le pouvoir yéménite.

Instaurer la confiance au Yémen, étape par étape, comme préalable à la tenue de pourparlers de paix en Suède . La stratégie du très expérimenté diplomate britannique Martin Griffiths, médiateur de l'ONU pour le Yémen, semble enfin porter ses fruits. Le processus politique qu’il a initié depuis sa nomination, en février dernier, a le vent en poupe avec la perspective d’assister dès cette semaine aux premières discussions entre les acteurs de la guerre du Yémen depuis 2016.

Une délégation de Houthis, les rebelles qui contrôlent la capitale Sanaa et une partie du Yémen, est arrivée, mardi   4   décembre, en Suède en compagnie du médiateur de l'ONU à bord d'un avion affrété par le gouvernement koweïtien. De son côté, le pouvoir yéménite est lui aussi sur le point d’envoyer des représentants pour participer aux pourparlers orchestrés par Martin Griffiths.

Il s’agit d’un signal fort, alors que le pays fait face à la pire catastrophe humanitaire dans le monde et qu’il n’a jamais été aussi proche de la famine, selon l’ONU. Lors d’une précédente tentative en septembre, des négociations qui devaient se tenir à Genève avaient échoué devant le refus des Houthis d’y participer. Le porte-parole des rebelles Mohammed Abdelsalam, qui a confirmé dans un tweet le départ de la délégation, a expliqué que les mains des Houthis "étaient tendues vers la paix",

"Mesures de confiance"

Les indicateurs positifs se sont multipliés depuis le début de cette semaine, avec notamment l'évacuation lundi d’une cinquantaine de combattants rebelles blessés vers le sultanat d'Oman, où ils doivent être soignés. La coalition arabe dirigée par l’Arabie saoudite, qui soutient militairement depuis mars 2015 le pouvoir du président Abd Rabbo Mansour Hadi contre les Houthis, a déclaré avoir accepté cette évacuation "humanitaire" afin d’instaurer un climat de confiance avec les rebelles.

La question des blessés avait été à l'origine de l'échec des négociations de Genève et l’une des conditions préalables aux pourparlers en Suède fixées par les Houthis.

Mardi 4 décembre, un autre cap a été franchi dans la matinée avec l’annonce d’un accord pour l'échange de prisonniers entre le gouvernement yéménite et les rebelles chiites. Selon Hadi Haig, chargé du dossier des détenus au sein du gouvernement yéménite, l’accord concernerait entre 1 500 et 2 000 membres des forces loyalistes et entre 1 000 et 1 500 Houthis. Il a précisé que cette mesure sera mise en œuvre après la tenue des négociations en Suède. C’est après l’annonce de cet accord, qui figurait parmi les "mesures de confiance", que la délégation des Houthis a pris l’avion en compagnie du médiateur de l’ONU.

Interrogé par France 24, Mohamad al-Baghiti, cadre politique du mouvement chiite, explique que ces mesures de confiance étaient destinées à fixer les bases des futurs négociations. "Si la confiance s’installe, on pourra se dire qu’une étape importante sera franchie, même si l’on est encore loin d’atteindre un accord total et satisfaisant".

Appel d’air diplomatique

Cette accélération du processus politique a bénéficié d’un appel d’air diplomatique et d’un feu vert des puissances régionales impliquées dans un conflit, qui a fait depuis 2015 quelques 10 000 morts et plus de 56 000 blessés. Même l’Iran, accusé par l’Arabie saoudite d’appuyer financièrement et militairement les Houthis, a dit soutenir les pourparlers de paix.

Les Émirats arabes unis (EAU), un pilier de la coalition arabe anti-rebelles, ont qualifié pour leur part les discussions en Suède de "chance décisive". Interrogé récemment par France 24, Anouar Gargash, ministre des Affaires étrangères des EAU, avait expliqué que tous les acteurs du conflit "avaient intérêt à ces négociations". Mardi, il a rappelé que l’application des mesures de confiance démontre "le soutien à la paix apporté par le gouvernement yéménite et la coalition".

Lundi, le colonel saoudien Turki al-Maliki, porte-parole de la coalition arabe, avait déclaré que la coalition soutenait les efforts du médiateur de l’Onu "pour parvenir à une solution politique". Une déclaration qu’il n’a pu faire sans le feu vert de Riyad.

L’Arabie saoudite, qui est enlisée dans le conflit yéménite, qualifié par les experts de la région comme "le Vietnam de Riyad", est sous la pression des puissances occidentales depuis l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, le 2 octobre à Istanbul, dans le consulat saoudien.

Jugeant l’instant propice pour faire pression sur la pétromonarchie wahhabite et le prince héritier Mohammad Ben Salmane, implicitement pointé du doigt par les autorités turques dans l’affaire Khashoggi, les Occidentaux ont multiplié les appels pour que les Saoudiens fassent des concessions et accélèrent en faveur d’un règlement politique au Yémen.

"Indéniablement, la dramatique affaire Khashoggi et sa médiatisation ont attiré le regard sur les dizaines de milliers de victimes au Yémen", confie Sadek al-Saar, ancien diplomate yéménite et président de l’association Salam for Yemen. Ce dernier s’est dit optimiste quant aux discussions en Suède, "car c’est la naissance d’une conscience collective de toutes les parties, locales et étrangères".