
La CEDH a condamné la Turquie, mardi, pour atteinte aux droits fondamentaux de Selahattin Demirtas, ancien député et leader kurde, en prison depuis 2016, et "ordonné" à Ankara de le libérer. Une décision rejetée par le président Recep Tayyip Erdogan.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a rejeté mardi la décision rendue plus tôt par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) "ordonnant" à Ankara de libérer "dans les plus brefs délais" l'opposant kurde et ancien député Selahattin Demirtas incarcéré depuis 2016.
"Les décisions de la CEDH ne nous contraignent aucunement. Nous allons contre-attaquer et mettre un point final à cette affaire", a-t-il déclaré, selon des propos rapportés par l'agence de presse étatique Anadolu.
Mais contrairement aux affirmations de Recep Tayyip Erdogan, les arrêts rendus par la CEDH ont bel et bien un caractère contraignant pour les pays signataires, comme la Turquie, de la Convention européenne des droits de l'Homme. "Aux termes de l'article 46 de la Convention, les arrêts de la Cour ont un caractère contraignant pour tous les États membres", a indiqué à l'AFP le porte-parole du Conseil de l'Europe, Daniel Holtgen.
Détenu depuis novembre 2016, l'opposant kurde âgé de 45 ans, candidat malheureux à la présidentielle de juin en Turquie, est l'une des figures de proue du Parti démocratique des peuples (HDP), dont il était le coprésident.
"Étouffer le pluralisme" politique
Dans son arrêt, la Cour de Strasbourg condamne la Turquie, à l’unanimité des juges, pour la durée excessive de la détention provisoire de Selahattin Demirtas et pour violation du droit à des élections libres en raison du statut de l’intéressé. Selon elle, si l'arrestation et la détention reposent sur la base de "raisons plausibles" de le soupçonner d’avoir commis une infraction pénale, la prolongation de son emprisonnement est injustifié et vise à "étouffer le pluralisme" politique en Turquie. La CEDH a également condamné Ankara à verser 10 000 euros au requérant pour dommage moral, et 15 000 euros pour frais et dépens.
Selahattin Demirtas, qui a été condamné en septembre dernier à 4 ans et 8 mois de prison pour "propagande terroriste", est poursuivi dans de nombreux dossiers et encourt jusqu'à 142 ans de prison dans le cadre de son principal procès.
Son incarcération est régulièrement critiquée par les organisations de défense des droits de l'Homme qui accusent Recep Tayyip Erdogan de chercher à étouffer toute voix d'opposition, en particulier depuis la tentative de coup d'État du 15 au 16 juillet 2016.
Après le coup de force, les autorités turques ont lancé des purges d'une ampleur sans précédent qui, au-delà des putschistes et de leurs partisans présumés, ont également visé les milieux prokurdes et la presse critique.
Avec AFP et Reuters