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Quinze jours après la démission précipitée de Gérard Collomb, son remplacement au ministère de l’Intérieur, mardi, a donné lieu à un remaniement assez large, très équilibré politiquement, mais sans coup d'éclat.

Après deux semaines d’attente, de rumeurs et de démentis, le remaniement a été annoncé dans la matinée du mardi 16 octobre. Que retenir du troisième gouvernement Philippe   ?

  • Un fidèle à l'Intérieur

Quinze jours après le départ fracassant de Gérard Collomb, fidèle de la première heure d’ Emmanuel Macron devenu le pourfendeur de "l'hubris" de l’exécutif, le principal enjeu du remaniement était le remplacement du ministre de l’Intérieur. Le choix de Christophe Castaner , jusqu’alors secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement , est cohérent pour un ministère où le président place traditionnellement un homme de confiance. Christophe Castaner est en effet un proche d’entre les proches d’Emmanuel Macron. "Premier flic de France", il sera place Beauvau "les yeux et les oreilles" du chef de l'État.

En passant d'un secrétariat d’ É tat à un ministère régalien, Christophe Castaner fait un bond dans l’organigramme du gouvernement. Contrairement à Gérard Collomb qui fût député, sénateur et maire de Lyon pendant 16   ans, Christophe Castaner a une expérience relativement faible en termes de mandat local pour un ministère dont l’une des missions est l’administration du territoire   : l’ancien socialiste a simplement été maire de Forcalquier (une commune de moins de 5   000 habitants) et élu au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). Contrairement à son prédécesseur, il sera épaulé par un professionnel des questions de sécurité   : Laurent Nuñez, désigné secrétaire d' É tat, jusqu’ici à la tête de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

  • Une pincée de gauche, un soupçon de droite et une promotion des Bayrouistes   : le choix de l’équilibre politique

D’une ampleur relativement importante, ce remaniement n’en préserve pas moins les équilibres politiques dans la continuité du positionnement "   ni droite - ni gauche   " cher à Emmanuel Macron. L’ancien socialiste Gérard Collomb est ainsi remplacé par un ancien socialiste Christophe Castaner, de même que l’ancien cadre PS Stéphane Travert cède son siège de ministre de l'Agriculture au sénateur socialiste de la Drôme, Didier Guillaume .

Si le quota de ministres issus de "la gauche" se maintient, une personnalité de droite fait "en même temps" une entrée remarquée. Il s’agit de Franck Riester nommé ministre de la Culture et de la Communication, en remplacement de Françoise Nyssen. Député UMP de Seine-et-Marne depuis 2007, très critique envers la ligne de Laurent Wauquiez , il a été exclu du parti Les Républicains en 2017 avant de participer au lancement d’ Agir, la droite constructive, voulue comme une droite "dans la lignée de l'UMP" . Comme É douard Philippe dont il est proche, il a soutenu Alain Juppé pendant la campagne. Rapporteur du projet de loi Hadopi 1 et Hadopi 2, Franck Riester connaît indéniablement son sujet mais politiquement il constitue aussi – en tant que figure de proue d’ un groupe de centre-droit émergent – une belle prise politique.

Éphémère ministre de la Justice au tout début du quinquennat, le centriste François Bayrou voit promus "deux de ses bras droit et même de son commando", selon les propres mots du président du Modem à l’issue de l’annonce du remaniement. Il s’agit de Marc Fesneau qui fait son entrée dans le gouvernement aux Relations avec le Parlement et de Jacqueline Gourault nommée, à la tête du grand ministère de la Cohésion des territoires. Par ailleurs, la landaise Geneviève Darrieussecq conserve son poste de secrétaire d'État auprès de la ministre des Armées.

À noter que le départ de Françoise Nyssen ne signe pas la fin de l’ouverture à la société civile. Deux nouvelles personnalités en sont issues   : Emmanuelle Wargon, qui a été directrice de la communication chez Danone, et Agnès Pannier-Runacher, qui était jusqu’à présent directrice générale de la Compagnie des Alpes. Par ailleurs, deux personnalités issues de la société civile prennent du galon   : Jean-Michel Blanquer qui voit son portefeuille de l'Éducation étoffé et qui obtient un secrétaire d' É tat chargé de la   jeunesse   et Marlène Schiappa, en charge de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui voit son portefeuille étendu à la lutte contre les discriminations.

Avec 17 hommes et 17 femmes, sans compter le Premier ministre, le gourvernement remanié respecte la parité sur le plan numérique mais seules dix femmes sont des ministres de plein exercice dont deux à des postes régaliens.

  • Quid de la bouffée d’air frais attendue par les Français ?

"Une équipe renouvelée mais dont le mandat politique reste le même". Le communiqué de L’Élysée annonçant le remaniement résume le message qu’a voulu faire passer l’exécutif dès le départ de Gérard Collomb   : les changements de têtes sont un non-événement, seul le cap, inchangé, compte.

Aucune grande personnalité connue de tous les Français ne fait cette fois son entrée au gouvernement. En évitant une nomination coup d’éclat, l’exécutif s’évite le risque d’une future démission très médiatisée à l’instar de celle de Nicolas Hulot. Mais cette prudence donne aussi, du coup, l’impression d’un manque de panache. Un remaniement peut impulser un nouvel élan politique et apporter une bouffée d’oxygène à un exécutif en perte de vitesse dans l’opinion. Ce ne sera probablement pas le cas avec ce changement avant tout politique et technique.

Le remaniement porte, bien sûr, certains messages à commencer par la volonté de renouer avec les élus locaux jusqu’à présent négligés par la vison centralisatrice d’Emmanuel Macron, mais ce sont des signaux trop spécifiques pour toucher l’opinion. Si l’on ajoute à cela les quinze jours d’attente qu’il a fallu pour aboutir à ce remaniement, difficile de ne pas penser   : "tout ça pour ça".