La scène, filmée par des caméras de vidéosurveillance d'un café parisien, avait été largement médiatisée. L'homme de 22 ans, qui avait giflé Marie Laguerre, a été condamné à un an de prison, dont six mois ferme.
13 h, jeudi 4 octobre. L’audience n’a pas commencée que Marie Laguerre, 22 ans, est déjà assaillie par les caméras et micros de journalistes dans l’entrée du tribunal de grande instance (TGI) de Paris. Veste à carreaux et baskets, la jeune femme répond pendant de longues minutes aux questions, puis se presse de rejoindre la salle d’audience.
Le 25 juillet dernier, Marie Laguerre a publié sur Facebook la vidéo de son agression, la veille, sur la terrasse d'un café du 19e arrondissement de Paris. On y voit un homme l’interpeller, jeter un cendrier dans sa direction puis la gifler.
8,8 millions de vues plus tard, la jeune femme est devenue presque malgré elle une figure de proue de la dénonciation du harcèlement de rue, d'où la médiatisation importante de ce procès.
"Vous parlerez quand je vous donnerai la parole"
Au tribunal, le prévenu attend dans le box pendant que la salle se remplit. Cheveux bouclés, t-shirt à motifs sur un sweat, l'agresseur présumé se présente presqu’en murmurant : il s'appelle Firas M., il a 25 ans.
La présidente rappelle les faits, a recensé neufs condamnations au casier judiciaire du prévenu, et précise que "l’expertise psychiatrique demandée [au cours d'une première audience, le 30 août, NDLR] n’a pas pu être menée à bien", puisque le médecin a attendu deux fois l’accusé, en vain. Ce dernier tente de se justifier, en évoquant notamment une "envie d’aller aux toilettes à l’heure du rendez-vous" mais la présidente le coupe sèchement : "Vous parlerez quand je vous donnerai la parole", avant de continuer d’énoncer les faits. Un rappel à l'ordre qui n'empêchera pas le prévenu d'intervenir de manière intempestive tout au long de l'audience.
Marie Laguerre a porté plainte le 25 juillet au matin. Elle est ensuite retournée au 9B, le bar devant lequel elle s’est faite agresser, pour récupérer les images de vidéosurveillance de l'établissement afin de les transmettre aux enquêteurs. C'est la jeune femme elle-même qui a finalement mené ces derniers sur la piste d'un suspect : un employé d'une agence d’interim l'avait contactée sur Twitter après avoir reconnu son collègue sur la vidéo. Le 27 août, soit un mois après les faits, l'homme était finalement interpellé à l’hôpital Bichat, où il venait d'être interné.
La présidente décide ensuite de diffuser la vidéo de l’agression. Firas M. grommelle, avant de se faire rappeler à l’ordre, et ne regarde pas la séquence, préférant enfouir sa tête dans ses mains.
"Parfois des mots font plus mal qu'un cendrier"
"Je chantais ma musique", se justifie l’accusé lorsque le tribunal l’interroge sur ce qui aurait déclenché l'altercation entre Marie Laguerre et lui. Et à propos du cendrier jeté en direction de la jeune femme, il se justifie : "Parfois, des mots font plus mal qu’un cendrier." La jeune femme lui aurait lancé un "t’es fier de toi gros fils de pute", pour, comme elle l’expliquera plus tard "ne plus se laisser traiter de manière humiliante". Il sera d’ailleurs précisé que suite à l’agression, Marie Laguerre a été diagnostiquée comme soumise à "une peur intense, un bouleversement émotionnel, une perte de poids, une hypervigilence".
Les 9 condamnations de Firas M. ont été à plusieurs reprises mentionnées par la partie civile durant sa plaidoirie. L’avocate de Marie Laguerre, Me Noémie Saidi-Cottier, qui commence par une citation tirée du "Deuxième sexe" de Simone de Beauvoir, s’est longuement étendue sur les problèmes de l'accusé avec les femmes – proxénétisme, violences sur sa mère – avant d’expliquer que la victime "souhaite une condamnation pédagogique".
Du côté de la défense, l'avocate demande à ce que son client ne soit pas "un symbole. Ce serait un costume beaucoup trop grand pour lui", soutient-elle face à la présidente. Elle reviendra également sur ses problèmes psychologiques, et citera à son tour André Malraux : "Juger, c'est d'abord comprendre". De son côté, l'accusé s'exclame une nouvelle fois dans le box : "J'en ai croisé des filles sur ma route, demandez leur si je suis sexiste, vous serez surpris".
La procureure a requis 18 mois de prison dont six ferme contre Firas M., une mise à l'épreuve de 3 ans, l'obligation de soins psychologiques et une interdiction d'entrer en contact avec la victime, à laquelle il devra verser 2 000 euros en réparation du préjudice moral. Finalement, après délibéré, le tribunal a suivi les requisition mais ramené les 18 mois de prison à 12 dont six ferme.
"Fatiguée mais soulagée", Marie Laguerre a quitté le TGI, toujours sous les caméras. "Très peu de personnes ont leur harceleur qui se retrouve jugé au tribunal. Chaque fois que l’on dénonce ces comportements, c’est une avancée."
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