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Référendum en Macédoine : "Le résultat d’un travail de fond de la diplomatie occidentale"

Les Macédoniens se prononcent dimanche 30 septembre sur un changement de nom de leur pays, qui doit mettre fin à une querelle de près de trente ans avec la Grèce. Un compromis entre Athènes et Skopje obtenu grâce aux pressions des Occidentaux.

C’est un vote historique qui pourrait mettre fin à une querelle vieille de presque trente ans. Les Macédoniens votent, dimanche 30 septembre, sur le changement de nom de leur pays. L’Ancienne République yougoslave de Macédoine – nom officiel actuel du pays – pourrait ainsi devenir la "République de Macédoine du nord", conformément à un compromis trouvé entre Skopje et Athènes.

La Grèce conteste depuis vingt-sept ans à son petit voisin, qui a déclaré son indépendance de la Yougoslavie en 1991, le droit de s'appeler "Macédoine". Les Grecs revendiquent ce nom pour sa seule province septentrionale autour de Thessalonique, et accusent Skopje d'usurper son patrimoine historique. De plus, le nom actuel de la Macédoine entretient l’idée d’une revendication territoriale, estime Athènes, qui bloque depuis plusieurs années les candidatures d’adhésion de Skopje à l’Union européenne et à l’Alliance atlantique (Otan).

La route est toutefois encore longue. Ce référendum est consultatif, et une victoire du "oui" devra être validée par le Parlement macédonien à une majorité de deux tiers dont ne dispose pas la coalition au pouvoir, composée des sociaux-démocrates et des partis représentant la minorité albanaise (20 % à 25 % des 2,1 millions d'habitants).

Le gouvernement du Premier ministre Zoran Zaev, investi en mai 2017, espère donc une victoire massive du "oui" pour convaincre les députés hésitants, mettant dans la balance un avenir meilleur pour ses concitoyens grâce à l’intégration promise du pays au monde occidental. La question posée dimanche est en ce sens tout à fait explicite : "Êtes-vous favorable à une adhésion à l'Union européenne et à l'Otan, en acceptant l'accord passé entre la République de Macédoine et la République de Grèce ?"

Référendum en Macédoine : "Le résultat d’un travail de fond de la diplomatie occidentale"

Pour le professeur de géopolitique à l'université Panthéon-Sorbonne et spécialiste des Balkansn Georges Prévélakis, contacté par France 24, cet accord entre Skopje et Athènes et l’organisation de ce référendum sont d’ailleurs le résultat des pressions occidentales et d’une activité diplomatique intense.

France 24 : Les Macédoniens votent dimanche sur le changement de nom de leur pays, alors que cela semblait impensable il y a encore deux ans. Que s’est-il passé ?

Georges Prévélakis : Le travail de fond de la diplomatie occidentale a fini par payer. Pour bien comprendre, il ne faut pas regarder cette affaire comme une querelle entre deux États – la Macédoine et la Grèce – qui seraient parvenus, par des discussions bilatérales, à régler leur contentieux. Non, il faut prendre un peu de recul et comprendre que les États-Unis et l’Union européenne, notamment, avaient des intérêts dans cette histoire et qu’ils sont parvenus à faire évoluer la situation. Pour eux, il s’agissait avant tout d’étendre dans cette région des Balkans leur zone d’influence vis-à-vis de la Russie. La contrepartie promise est explicitée dans la question qui sera posée dimanche : une adhésion de la Macédoine à l’Otan et à l’UE.

L’arrivée de Zoran Zaev au printemps 2017 a également changé la donne. Le gouvernement précédent faisait de la surenchère identitaire avec les symboles historiques de la Macédoine antique pour créer une fierté nationale et tenter ainsi d’unifier les deux ethnies du pays, la population slave et la population albanaise. L’ancien Premier ministre était par conséquent farouchement opposé à tout changement de nom, quand Zoran Zaev, lui, a les yeux rivés sur l’Occident.

Enfin, côté grec, le Premier ministre Alexis Tsipras est dans une position inconfortable sur la scène intérieure et compte beaucoup sur ses soutiens étrangers, notamment sur le plan économique. Pour lui, faire des concessions sur cette question, c’est du donnant-donnant.

Sur le fond, le compromis est-il acceptable pour les deux parties ?

G.P. : Les deux gouvernements prétendent que l’essentiel est sauf de chaque côté. Les Grecs ont obtenu un changement de nom qu’ils réclamaient depuis près de trente ans. Et les Macédoniens, en devenant la "République de Macédoine du nord", conservent la langue et la reconnaissance de leur nationalité macédonienne. Pour ceux qui connaissent l’histoire de la région, ce n’est pas sans signification. Les Bulgares, par exemple, ont longtemps dénié cette identité macédonienne, considérant que la population de cet État voisin était en réalité bulgare.

Pour autant, ce compromis fait-il l’unanimité ?

G.P. : Non, l’accord est impopulaire, aussi bien en Macédoine qu’en Grèce, car c’est un compromis. Mais en ce qui concerne le prochain référendum, le "oui" est malgré tout donné gagnant dans les sondages, car la campagne en faveur du changement de nom a su faire entendre ses arguments. Ceux-ci portent essentiellement sur la situation économique du pays, qui n’est pas bonne. Le chômage y dépasse les 20 %, et le salaire moyen est de 350 euros par mois, le plus bas des Balkans. Les tenants du changement de nom font donc miroiter aux Macédoniens des lendemains plus heureux, grâce à l’adhésion du pays à l’UE et aux subventions qui iront avec.

Par ailleurs, la population albanaise a une autre raison de vouloir voter "oui" : intégrer l’UE lui permettra d’obtenir des avancées sur son statut, car Bruxelles protège et garantit des droits aux minorités.

Comment se positionnent les tenants du non ?

G.P. : Ils sont d’abord frustrés et considèrent que le gouvernement en place a été imposé par les Occidentaux. Un sentiment renforcé par le fait que de nombreux dirigeants occidentaux, dont Donald Trump, Emmanuel Macron et Angela Merkel, ont appelé les Macédoniens à voter en faveur du changement de nom. En terme stratégique, comme le "oui" est pour l’instant donné gagnant dans les sondages, ils militent pour l’abstention plutôt que pour le "non". Pour être valide, la participation doit être d’au moins 50 % des inscrits sur les listes électorales. Or, le risque est réel que ce chiffre ne soit pas atteint dimanche, notamment parce que de nombreux électeurs macédoniens ont quitté le pays ces dernières années.