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Affaire Skripal : la police britannique lance un mandat d'arrêt contre deux Russes

La police britannique a annoncé mercredi avoir émis des mandats d'arrêt visant deux ressortissants russes, dans le cadre de l'enquête sur l'empoisonnement en Angleterre de l'ex-espion russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia.

Six mois après l'empoisonnement de l'ex-espion russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia à Salisbury, en Angleterre, les enquêteurs britanniques pensent avoir identifié les responsables. Le chef de l'antiterrorisme, Neil Basu, a annoncé mercredi 5 septembre que des mandats d'arrêt avaient été émis contre deux ressortissants russes, poursuivis pour conspiration en vue de commettre un meurtre et usage et possession de Novichok, un puissant agent innervant.

Les deux hommes ont été identifiés comme étant Alexander Petrov et Ruslan Bochirov. Ces deux noms sont toutefois considérés comme des pseudonymes, a précisé Neil Basu lors d'un point presse. Il a montré les photos de ces deux hommes, appelant le public à les identifier.

Two russian nationals identified and charged in relation to #Salisbury attack.

If you know these men or saw them in the UK between Friday 2 March and Sunday 4 March, contact police in confidence.

☎️ 0800 789 321
???? salisbury2018@met.police.uk pic.twitter.com/jpAAiRVqc0

  Terrorism Police UK (@TerrorismPolice) 5 septembre 2018

Les deux suspects "sont arrivés à Londres le vendredi 2 mars à l'aéroport de Gatwick sur le vol SU2588", a précisé le chef de l'antiterrorisme. Ils ont séjourné dans un hôtel avant de se rendre le 3 mars à Salisbury pour "un voyage de reconnaissance", suspecte la police. Le 4 mars, "nous pensons qu'ils ont contaminé la porte d'entrée [du domicile de Sergueï Skripal] au Novichok" avant de quitter le pays par l'aéroport d'Heathrow le jour-même.

Pas de demande d'extradition

Le parquet britannique a, de son côté, affirmé dans un communiqué disposer d'assez d'éléments de preuve pour les inculper. Le ministère public a précisé avoir retenu contre les deux hommes trois chefs d'accusation : conspiration en vue de commettre un meurtre, tentative de meurtre contre les Skripal et un policier britannique qui avait été contaminé après leur avoir porté secours, ainsi qu'usage et possession de Novichok.

"Nous n'adresserons pas de demande d'extradition à la Russie pour ces hommes, car la Constitution russe n'autorise pas l'extradition de ses ressortissants", a précisé Sue Hemming, directrice des services juridiques du parquet.

La réaction de Moscou n'a pas tardé. La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, citée par l'agence publique TASS, a dénoncé une "manipulation de l'information". "Les noms et les photographies qui ont été publiés dans les médias ne nous disent rien", a-t-elle ajouté, appelant Londres à "coopérer" avec la Russie pour l'enquête sur l'empoisonnement des Skripal.

Londres accuse la Russie d'avoir orchestré une attaque contre l'ancien espion Sergueï Skripal et sa fille Ioulia dans la ville de Salisbury, dans le sud de l'Angleterre, le 4 mars. Skripal et sa fille ont été empoisonnés à l'aide d'un agent neurotoxique, le Novichok, qui était fabriqué en Union soviétique pendant la Guerre froide. Moscou dément toute implication dans cet incident, qui a engendré une grave crise diplomatique entre le Kremlin et les Occidentaux.

Reconstitution "complexe"

La police britannique a reconstitué les faits et gestes des deux Russes suspectés d'être les auteurs de la tentative d'empoisonnement. Il s'agit de "l'une des enquêtes les plus complexes jamais entreprises par la police antiterroriste", a confié mercredi son chef Neil Basu à la presse.

Récapitulatif des faits collectés par Scotland Yard : le vendredi 2 mars, deux individus, que la police britannique a identifiés comme Alexander Petrov et Ruslan Bochirov à partir de leurs passeports russes, arrivent à 15 h à l'aéroport londonien de Gatwick, dans le sud de la capitale britannique.

Ils descendent du vol SU2588 de la compagnie russe Aeroflot, en provenance de Moscou, et rejoignent le centre de Londres, en train selon l'hypothèse des autorités britanniques.

Ils utilisent ensuite les transports en commun pour aller au City Stay Hotel, sur Bow Road, dans l'est de la capitale. Ils y séjourneront deux nuits. La police retrouvera dans leur chambre des traces de Novitchok, l'agent innervant hautement toxique utilisé contre les Skripal.

Le samedi 3 mars, les deux quadragénaires, soupçonnés d'appartenir aux services du renseignement russes, utilisent de nouveau les transports en commun pour se rendre à la gare de Waterloo, où il prennent un train à destination de Salisbury, où réside Sergueï Skripal.

Ils arrivent dans cette ville du sud-ouest de l'Angleterre vers 14 h 25. Il y resteront moins de deux heures. "Nous estimons que c'était un voyage de reconnaissance", a affirmé Neil Basu. Ils reprennent le train vers Londres vers 16 h 10, comme le montrent les images de vidéo-surveillance de la gare de Salisbury. Ils seront de retour à leur hôtel à 20 h 05 ce soir-là.

Le dimanche 4 mars, les deux suspects quittent le City Stay Hotel vers 8 h 05 et effectuent le même trajet vers Salisbury, en passant par la gare de Waterloo. Les caméras de vidéo-surveillance enregistrent leur passage à proximité de la maison de Sergueï Skripal, sur Wilton Road, à 11 h 58. "Nous pensons qu'ils ont contaminé la porte d'entrée avec le Novitchok", a affirmé Neil Basu. À 13 h 08, les deux suspects sont filmés en train de remonter Fisherton Street, vers la gare de Salisbury. Ils montent dans le train à 13 h 50.

À 16 h 15, la police locale reçoit un appel d'un passant inquiet de l'état de santé de deux personnes, retrouvées inconscientes sur un banc. Elle intervient pour prendre en charge les deux victimes, Sergueï Skripal et sa fille Ioulia, qui sont "dans un état critique".

Au même moment, à 16 h 45, Alexander Petrov et Ruslan Bochirov arrivent à la gare de Waterloo. Ils quittent Londres à 18 h 30 en transports en commun, en direction de l'aéroport d'Heathrow. Ils s'enregistrent à 19 h 28 et embarquent à bord du vol SU2585 d'Aeroflot, qui décolle à 22 h 30 pour Moscou. "Nous n'avons aucun indice qui indiquerait qu'ils sont revenus au Royaume-Uni depuis cette date", a souligné la police.

Ce scénario rappelle celui de l'empoisonnement au polonium-210 du Russe Alexander Litvinenko en novembre 2006 à Londres. En 2016, les autorités britanniques ont désigné nommément l'ex-agent du KGB devenu député en 2007, Andreï Lougovoï, et l'homme d'affaires Dmitri Kovtoun comme les exécutants du meurtre. Un juge a conclu que les deux hommes avaient introduit le polonium-210 dans la théière de Litvinenko lors de leur rencontre dans un hôtel.

Avec AFP et Reuters