À son arrivée en Thaïlande, où il a obtenu la libération de son compatriote John Yettaw, Jim Webb a exhorté Pékin à "user de son influence" auprès de la junte birmane pour faire évoluer la situation de l'opposante Aung San Suu Kyi.
AFP - Le sénateur américain Jim Webb a vu sa proposition de mettre fin aux sanctions contre la Birmanie renforcée après avoir obtenu la libération d'un de ses concitoyens, mais ses détracteurs lui reprochent d'avoir offert à la junte l'occasion d'un coup publicitaire.
M. Webb est reparti de Birmanie dimanche accompagné de John Yettaw, un Américain condamné mardi à sept ans de prison et de travaux forcés pour s'être invité au domicile de l'opposante birmane Aung San Suu Kyi, privée de liberté pendant quatorze des vingt dernières années.
L'élu démocrate a obtenu l'expulsion de M. Yettaw auprès du chef de la junte, le généralissime Than Shwe, dirigeant reclus qu'il est devenu le premier responsable américain à rencontrer.
Il a aussi pu s'entretenir avec Mme Suu Kyi, qui a écopé d'une assignation a résidence supplémentaire de 18 mois, sans rien pouvoir faire de plus pour elle.
Critiquant ouvertement l'action de M. Yettaw, M. Webb a affirmé dimanche n'avoir rien offert aux généraux en contrepartie de leur clémence, et a dit espérer que sa visite permettrait d'établir "la confiance, susceptible d'aboutir à une meilleure situation à l'avenir".
Ancien combattant de la guerre du Vietnam et secrétaire à la Marine à la fin des années 1980, M. Webb estime de longue date que les sanctions européennes et américaines contre la Birmanie ont échoué et qu'elles causent plus de tort à la population qu'à la junte.
Sa visite birmane a été fortement critiquée par Aung Din, directeur d'une organisation d'exilés birmans aux Etats-Unis, US Campaign for Burma. Selon lui, la junte "a récompensé" M. Webb pour son opposition aux sanctions.
De plus, estime-t-il, les Etats-Unis risquent d'apparaître aux yeux du peuple birman, comme enclins à s'accomoder des dictateurs "dès lors qu'ils récupèrent leurs citoyens".
Chef de la sous-commission sénatoriale des Affaires étrangères sur l'Asie, M. Webb se heurte à ses pairs du Congrès qui ont voté à une majorité écrasante un régime de sanctions commerciales contre la Birmanie. Mme Suu Kyi elle même soutient cette mesure.
Et l'administration Obama, tout particulièrement la secrétaire d'Etat Hillary Clinton, estime d'une manière générale que les sanctions sont un instrument efficace de la diplomatie.
"Aujourd'hui, Webb est minoritaire, mais avec un succès mineur comme celui-ci, ou du moins présenté comme tel, il pourrait attirer les indécis de son côté", estime John Dale, spécialiste de la Birmanie à l'Université George Mason, en Virginie (est).
Selon lui, "députés et sénateurs font l'objet de pressions fortes pour privilégier le dialogue aux sanctions quand ils le peuvent".
Le gouvernement américain a reconnu avoir tenté avec les généraux cette politique de la main tendue pratiquée avec l'Iran et Cuba, mais y avoir coupé court lorsque la junte s'en est pris de nouveau à Mme Suu Kyi.
Pour M. Dale, l'objectif de la junte est "de jouer la montre" jusqu'aux élections convoquées pour 2010.
Washington a averti que le scrutin serait une imposture si l'opposition n'y participe pas.
Malheureusement, M. Yettaw a fourni à la junte un prétexte en or pour boucler Mme Suu Kyi jusqu'au vote, fait remarquer Walter Lohman, directeur du Centre d'études asiatiques de la fondation Heritage, cercle de réflexion conservateur.
Qui plus est, estime-t-il, les généraux "sont assurément les grands gagnants de l'histoire" en ce qu'ils ont réussi à braquer les projecteurs des médias sur un régime isolé discutant avec un responsable américain.