Évoqués par la ministre de la Justice dans la spectaculaire évasion du braqueur Redoine Faïd dimanche, les drones se multiplient au-dessus des prisons françaises. L’administration pénitentiaire prépare son plan pour les neutraliser.
Le drone est-il le nouvel ami des "monte-en-l’air" ? Pointés du doigt par la ministre française de la Justice, Nicole Belloubet, comme un possible outil de l’évasion du braqueur Redoine Faïd dimanche 1er juillet, l'utilisation de drones en matière de survol de prisons n’en est pas à son coup d'essai.
Leur prolifération dans le ciel carcéral a obligé l’administration pénitentiaire à se saisir du problème pour défendre les établissements contre ces envahisseurs venus du ciel. Et plusieurs entreprises se font concurrence pour devenir la solution anti-survol de bâtiments sensibles.
“Il y a plusieurs mois, les services de l’établissement avaient repéré des drones qui survolaient l’établissement", a expliqué Nicole Belloubet, lors d’une conférence de presse donnée depuis la prison de Réau d'où s'est évadé le braqueur dimanche 1er juillet. Si la garde des Sceaux a précisé par la suite que le lien formel n’était pas encore établi entre les deux événements, ce scénario démontre que les drones sont désormais un problème récurrent dans le paysage carcéral français.
Le fléau du ciel
Depuis la popularisation de ces aéronefs sans-pilote auprès du grand public, les faits divers incluant les drones se multiplient dans les colonnes de la presse. Les petits engins sont régulièrement utilisés pour faire passer en contrebande dans les prisons pornographie, cigarettes, drogues voire des armes dans les cas les plus graves.
En décembre 2017 , l’administration du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin avait sonné l’alerte suite à la découverte d’un colis de deux téléphones portables livrés par drones. En juillet de la même année, un drone avait déposé un colis dans la cour de la prison de Valence (Drôme). Quelques mois plus tôt , un autre engin avait été découvert dans l’enceinte de la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône (Saône-et-Loire) après s’être crashé.
"Le problème est apparu en 2016 avec la commercialisation de drones civils à des coûts beaucoup plus modérés qu'avant", explique un porte-parole de l’administration pénitentiaire à France 24. "Mais les chiffres n’ont pas tellement augmenté, contrairement à nos prévisions. Ils sont restés constants à une quinzaine par an. C'est très faible par rapport à la situation dans d’autres pays."
En effet, au Canada, leur nombre explose. Selon Radio-Canada, ils sont passés de 27 en 2015-2016, à 180 en 2017. Au Royaume-Uni, un directeur parle de vols quotidiens.
Bâtir une législation et une défense
"En France, la menace a été prise au sérieux dès le départ. Non seulement dans le cadre du ministère de la Justice, mais également pour tout ce qui concerne les sites sensibles comme les sites nucléaires", continue le représentant de l'administration carcérale française.
"La première étape, c'était que la législation s'adapte à la nouvelle donne. Un drone n’est pas un hélicoptère, il y avait alors un trou noir législatif sur le sujet jusqu’à la loi du 24 octobre 2016 et les décrets de 2017", détaille le porte-parole.
Désormais, une personne faisant voler un drone au-dessus d’une prison s’expose à un an de prison ferme et 75 000 euros d’amende, en vertu de l’article L6232-4 du code des transports. Son application a déjà commencé. Fin 2017, le tribunal correctionnel de Grasse a condamné à trois mois de prison un homme qui avait tenté de livrer quatre téléphones portables dans la cour.
"Ensuite, nous avons participé à un groupe de travail interministériel pour trouver la bonne méthode adaptée à la situation pénitentiaire. Il nous fallait un matériel accessible aux agents, opérationnel dans un espace à forte densité et faible visibilité. Il faut donc un matériel réactif", détaille-t-il.
L'administration pénitentiaire a expérimenté diverses techniques dans plusieurs prisons. L'une d'elles a retenu l'attention et est déjà déployée dans certains centre pénitentiaires et devrait être étendue. Cependant, pour d’évidentes raisons de sécurité, le ministère de la Justice ne peut dévoiler celle qui est employée, ni où elle est déjà en place.
Le juteux marché de l’antidrones
"Il y a plein de techniques sur le marché. Il y a d'ailleurs de la concurrence et de l’argent à se faire", estime le représentant de l’administration pénitentiaire.
En France, on sait que depuis début 2017, l’armée de l’Air mène une expérimentation sur le dressage d’aigles anti-drones. Les quatre rapaces, D'Artagnan, Aramis, Athos et Porthos, s’entraînent à intercepter les engins volants. Le programme s’inspirait alors d’un exemple néerlandais, mais celui-ci a été interrompue : les volatiles étaient onéreux à entretenir et surtout incontrôlables. L'expérience pourrait donc tourner court.
Au sommet de Davos en janvier 2017, les autorités suisses avaient annoncé se servir de fusils brouilleurs de drones, des HP 47, produits par l’entreprise allemande H.P. Marketing & Consulting Wüst. L’appareil est capable de brouiller le signal d’un drone situé à plus de 300 mètres, en bloquant son système de contrôle à distance et en le forçant à atterrir.
La prison de Guernesey a quant à elle investi dans un virtuel capable de repousser les drones. La "Sky fence" de l’entreprise Drone Defence, supprime le programme de vol des appareils qui s’approchent, les renvoyant automatiquement d'où ils viennent.
La technologie évoluant rapidement, les start-ups multiplient les offres pour tenter de s'emparer d'un business qui pourrait s'avérer très lucratif : drones capables de capturer d’autres engins à l’aide de filets, laser détruisant les drones, boîtiers capables de les détecter à l’aide d’infrarouges…
"C'est l'une des raisons pour lesquelles on reste prudent dans notre choix", justifie le représentant de l’administration pénitentiaire. "On ne veut pas mettre tous nos œufs dans le même papier alors que la technologie avance très rapidement."
– Article initialement publié sur France 24.
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