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Bruxelles assure que l’application des droits de douanes contre les produits importés des États-Unis n’aura aucun impact pour le consommateur européen. Un optimisme qu’il convient de tempérer.
Lorsque Washington a imposé, début juin, des droits de douanes sur les importations d’acier et d’aluminium, économistes et politiques avaient prévenu que ces mesures allaient se traduire par des hausses de prix pour le consommateur américain. En Europe, pourtant, la taxation, à partir de vendredi 22 juin, de 2,8 milliards d'euros de biens importés des États-Unis n’a pas suscité de mise en garde sur les conséquences sur les prix en magasin.
Le consommateur européen serait plus à l'abri que son homologue américain. La commission européenne en a même fait un argument de défense de ses mesures de rétorsion contre les États-Unis : “Nous ne voulons rien faire qui puisse nuire aux consommateurs. Si nous avons choisi des produits comme les Harley-Davidson, le beurre de cacahuète, le bourbon, c'est parce qu'il y a des alternatives sur le marché”, a assuré le vice-président de la Commission européenne Jyrki Katainen.
Du maïs ukrainien au lieu du maïs américain
L’Europe serait ainsi capable de mieux protéger ses consommateurs car elle a d'autres options, là où les États-Unis n’en ont pas. Par exemple, à la place du maïs américain, les Européens peuvent se tourner davantage vers l’Ukraine, déjà le troisième principal fournisseur du Vieux continent en maïs. Ils peuvent aussi favoriser les importations de jus d’orange brésilien ou chinois, tandis que le riz chinois, indien ou indonésien peut se substituer à celui qui, jusqu’à présent, venait des États-Unis, rappelle l’Agramark-Informations-Gesellchaft (spécialiste allemand des études de marché dans le secteur agricole), au quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Les États-Unis, eux, sont dans une démarche globale, leurs droits de douanes s’appliquant à tous les pays exportateurs d’acier et d’aluminium. Ils ne peuvent donc pas chercher de sources alternatives d’approvisionnement, sauf à augmenter considérablement leur production nationale. La hausse des prix à l’importation devrait se répercuter, in fine, sur le coût, entre autre, de la canette de coca.
Les plus pauvres touchés en premier
Mais la Commission européenne pousse peut-être le bouchon de l’optimisme un peu loin, assure Pascal de Lima, économiste en chef au cabinet de conseil Harwell Management, contacté par France 24. “Il sera peut-être possible d’atténuer l’impact sur les prix payés par les consommateurs, mais pas de l’éliminer complètement”, assure-t-il. Cet économiste est, sur ce point, sur la même longueur d’onde que l’ADE, la principale organisation d’exportateurs allemands, qui prévoit “une hausse rapide, quoique mesurée, de certains prix dans les grandes surfaces”. Cette organisation décrit la situation attendue en Allemagne, mais le phénomène devrait être le même dans tous les pays européens.
Car le recours à d’autres filières d’approvisionnement a, en effet, ses limites. “Si les fournisseurs non-américains avaient été moins chers pour une qualité similaire, les importateurs européens se seraient déjà tournés vers eux depuis longtemps”, souligne Pascal de Lima. Il craint que les alternatives soient de moins bonne qualité ou que leurs prix de vente soient plus chers que celui des produits américains. Certains exportateurs pourraient aussi être tentés de profiter de la mise hors-jeu de leurs concurrents américains en augmentant leurs propres tarifs, tout en restant en deçà du prix à payer pour importer du “made in America”.
“Il faut aussi compter avec une chaîne opaque d’importation”, note Pascal de Lima. Avant d’arriver dans les étals des grandes surfaces, les produits importés passent entre les mains de plusieurs intermédiaires qui doivent tous répercuter les droits de douanes. “Le danger est que certains le fassent moins honnêtement que d’autres et en profitent pour augmenter quelque peu leur marge sur le dos des droits de douanes”, explique l’économiste, qui rappelle que de telles pratiques ont été constatées lors, par exemple, de hausses de la TVA.
Les hausses éventuelles des prix risquent aussi de toucher, en premier lieu, les consommateurs les plus démunis. “Ce sont les enseignes du ‘hard discount’ qui vont répercuter, en premier, les droits de douanes car elles sont les grandes surfaces qui pratiquent les marges les plus serrées”, rappelle le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Un problème particulièrement sensible en Allemagne, royaume européen du "hard discount". Les autres enseignes peuvent se permettre d’absorber une partie de ces droits de douanes.