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Le retrait américain du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU a été annoncé mardi. Il s'inscrit dans la politique de désengagement international du président Trump, analyse pour France 24 Michel Forst, rapporteur spécial de cette institution.
L'ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Nikki Haley, a annoncé mardi 19 juin que les États-Unis se désengageaient du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU (CDH). Une décision qui porte un coup symbolique à l’image de l’organe phare, basé à Genève et chargé de défendre les droits humains à travers le monde.
Le Conseil, qui compte 47 membres élus, se réunit trois fois par an pour examiner les violations des droits de l'Homme dans le monde. Il dispose d'enquêteurs indépendants pour examiner des situations problématiques telles qu'en Syrie, en Corée du Nord, en Birmanie ou au Soudan du Sud. Ses résolutions ne sont pas juridiquement contraignantes, mais portent une autorité morale.
Le départ des États-Unis va-t-il empêcher le CDH de fonctionner correctement ? La décision américaine ne surprend pas Michel Forst, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme, nommé par le CDH. Ce spécialiste français livre son analyse à France 24.
France 24 : Les États-Unis se retirent du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, qu'est-ce que cela change ? Le CDH va-t-il pouvoir remplir son rôle sans l'appui de Washington ?
Michel Forst : Le départ des États-Unis est un mauvais coup porté au niveau international, mais en même temps, le système continuera de fonctionner sans eux. Au sein du CDH, les États sont élus pour trois ans, donc ils entrent et sortent régulièrement du Conseil pour se succéder les uns aux autres. Le mandat américain devait s’achever en 2019. Qu’ils se retirent volontairement ou parce que leur mandat prend fin ne change pas grand-chose finalement. Les ambassadeurs des pays qui ne sont pas membres du conseil peuvent continuer de prendre la parole quand même lors des sessions, ils peuvent toujours participer aux négociations menées par d’autres pays aboutissant à des commissions d’enquête. Sans oublier que les Américains disposent d’une représentation permanente à Genève, avec une délégation importante en pointe sur la question des droits de l'Homme. Je n’imagine pas qu'ils refusent de prendre la parole dans des moments clefs où l'on a besoin d’eux.
Quel rôle les Américains ont-ils joué au sein du Conseil des droits de l'Homme jusque-là ? L'approche des États-Unis a-t-elle changé avec le mandat de Donald Trump ?
Les États-Unis faisaient partie des acteurs les plus engagés sur la question des libertés, notamment en Amérique latine. Les défenseurs des droits de l'Homme vont être déçus. Les États-Unis ont souvent pris la parole pour dénoncer nommément des situations d'atteinte aux droits de l'Homme, s'attirant les foudres d’autres pays. Je les ai entendus nommer le Venezuela, Cuba, le Vietnam, le Cambodge ou des pays d'Afrique francophone comme la République démocratique du Congo… Ils ont été "vocaux" et assez audacieux. Cela va manquer. Le conseil vient d'ouvrir sa session de juin, j'attends de voir comment ils vont se comporter et s'ils vont prendre la parole.
L'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, a accusé le Conseil des droits de l'Homme d'être hostile à Israël. Elle a déclaré que la décision américaine était, entre autres, liée à Israël. Est-ce la véritable raison de ce retrait ?
Depuis l’élection de Donald Trump, il n’y a plus d’ambassadeur mais un chargé d’affaires à Genève, ce qui laisse penser que le retrait avait été pensé bien avant. Dans le langage codé de la diplomatie, c’est un signal, en surface, pour signifier son désintérêt. Pour autant, la question des droits de l'Homme, qui est un des trois piliers des Nations unies, continuera d’être traitée. Elle est aussi l'une des priorités du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale des Nations unies. Aussi la question du respect des droits de l'Homme par Israël peut être traitée par l'ensemble de ces organes, n'en déplaise aux États-Unis.
L'annonce du retrait intervient au moment où l'administration américaine est la cible de vives critiques pour sa politique de séparation des enfants migrants à la frontière mexicaine. Est-ce un hasard du calendrier ?
Le geste américain s’inscrit dans une posture générale de désintérêt de repli sur soi. Les images d’enfants migrants pleurant après avoir été séparés de leurs famille et qui ont émus certains hauts fonctionnaires américains, vont dans ce sens. Le rétablissement des sanctions internationales, le retrait de l’accord sur le climat, le débat sur les taxes commerciales illustrent également un abandon des questions internationales et c’est ce qui est inquiétant.