Quatre mois après la tuerie de Parkland, les jeunes de ce lycée de Floride ont lancé vendredi une tournée nationale contre les armes à feu. Objectif : inciter la jeunesse à s'inscrire sur les listes avant les élections de mi-mandat, en novembre.
Les lycéens de Parkland ne lâchent rien : ceux qui ont vu 17 de leurs camarades périr sous les balles d’un camarade de classe dans leur établissement de Floride, le 14 février dernier, poursuivent la lutte qu’ils ont engagée contre les armes à feu. Vendredi 15 juin, à Chicago, ils lancent une tournée nationale pour inciter les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales et soutenir les candidats anti-armes lors des élections de mi-mandat, qui auront lieu en novembre prochain.
"Il est temps pour les jeunes de s’opposer au lobby des armes, quand personne d’autre ne le fait", peut-on lire sur le site Internet du mouvement, désormais baptisé "March for our lives". Le succès de la manifestation du même nom, qui avait vu, à leur initiative, des centaines de milliers de personnes défiler à Washington en mars pour demander un contrôle plus strict, a révélé ces nouveaux visages du mouvement anti-armes à feu aux États-Unis.
Landed in Chicago! Let the #RoadToChange begin!! ❤️ pic.twitter.com/x3uSufTI2F
March For Our Lives (@AMarch4OurLives) 15 juin 2018Faire barrage aux candidats pro-armes à feu
Les leaders du mouvement, Emma Gonzalez, Cameron Kasky ou encore David Hogg, n’ont cessé depuis de s’exprimer dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ils prendront part à cette tournée, qui doit traverser, à bord d’un bus affrété pour l’occasion, quelque vingt États américains au cours de l’été. Débats, rencontres, sit-in rythmeront le parcours dans la cinquantaine de villes visitées.
La tournée, baptisée "Road to Change" ("La route du changement"), ne démarre pas à Chicago par hasard. Gangrénée par la violence, la capitale de l’Illinois (nord) a explosé son record de meurtres en 2016, avec 762 homicides perpétrés. "Chicago fait face quotidiennement à la violence par armes à feu, et nous voulons permettre aux jeunes de la ville de s’élever contre cela, comme nous l’avons fait", explique ainsi Sofie Whitney, une jeune femme survivante du massacre de Parlkand et désormais activiste au sein de "March for our lives".
Culture des armes
Quelle peut-être la portée de cette mobilisation ? Jean-Éric Branaa, spécialiste des États-Unis et maître de conférences à Paris II-Assas, est pessimiste. "Je ne pense pas qu’elle pourra, dans un avenir proche, faire évoluer les mentalités, car la culture des armes est profondément ancrée dans la mythologie américaine", estime le chercheur, contacté par France 24.
Son principal argument : les élections primaires, qui ont lieu en ce moment et au cours desquelles les partis élisent leurs représentants pour les élections de novembre prochain. Elles ont vu des candidats pro-armes à feu virulents l’emporter côté républicain, tel Corey Stewart, un fidèle de Donald Trump, désigné en Virginie. Surtout, très peu de jeunes se sont inscrits sur les listes électorales, même en Floride, où la population reste traumatisée par la tuerie de Parkland.
Autre réserve : "Au sein du camp pro-armes, ces jeunes, dont les positions ont été soutenues et relayées par les médias, sont perçus comme manipulés par les milieux progressistes et démocrates, soupçonnés de financer leur activisme, ce qui les décrédibilise".
Enjeu dans le Minnesota
Le politologue estime que cette tournée peut cependant porter ses fruits dans le Minnesota (nord), qui doit en novembre prochain envoyer cinq élus à la Chambre des représentants. "Un énorme débat sur les armes à feu a eu lieu dans cet État, qui pourrait faire chuter l’actuel élu républicain Erik Paulsen. Plus intéressant encore : après le massacre de Parkland et sous la pression de 'March for our lives', celui-ci a revu sa position et s’est déclaré en faveur d’un contrôle plus strict sur les armes à feu", explique Jean-Éric Branaa. La caravane doit y faire escale entre le 24 et le 26 juin.
Le chercheur tient enfin à rappeler que cette mobilisation actuelle est loin d’être inédite. "Il y en eu d’importantes par le passé, notamment en 1968 après les morts de Bob Kennedy et de Martin Luther King, puis plus récemment en 2013, après le massacre de Newtown, dans le Connecticut [27 morts dont 20 enfants dans l'école Sandy Hook, NDLR], souligne-t-il, mais le fait qu’elle soit portée par des jeunes qui ont eux-mêmes réchappé à une tuerie et vu mourir leurs camarades touche forcément l’opinion."