Les chefs de la diplomatie russe, ukrainienne, française et allemande se réunissent lundi à Berlin pour relancer le processus de paix en Ukraine. Trois ans après la signature de l’accord de Minsk, France 24 examine la situation sur le terrain.
L’Ukraine ne fait plus les gros titres dans les médias mais le conflit dans l’est du pays est toujours d’actualité. Plus de trois ans après les accords de Minsk II, signés le 12 février 2015, et plus d’un an après la dernière réunion en "format Normandie" entre l’Ukraine, la Russie, la France et l’Allemagne, les ministres des Affaires étrangères de ces quatre pays se réunissent, lundi 11 juin à Berlin, pour tenter de relancer le processus de paix dans le Donbass.
Sur le terrain, la situation semble au point mort. "Cela fait longtemps qu’il n’y a pas eu d’avancées réelles et les accords de Minsk n’ont en réalité jamais été appliqués, note Gulliver Cragg, correspondant de France 24 en Ukraine. L’intensité des combats a été réduite mais ces combats sur la ligne de front existent toujours."
De fait, le cessez-le-feu entre Ukrainiens et séparatistes pro-russes dans les régions de Donetsk et Lougansk n’est pas respecté. "La situation reste extrêmement volatile avec, chaque jour, entre 100 et 1 000 violations du cessez-le-feu commises aussi bien par des armes à feu légères que par de l'artillerie", souligne Alexander Hug, chef adjoint de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine, contacté par France 24.
Si des attaques ont donc encore lieu quotidiennement, aucune offensive de grande envergure n’a toutefois été menée. "D’un côté comme de l’autre, on se bat un jour pour prendre un bâtiment, un autre pour une colline, relève Gulliver Cragg. Mais la ligne de front reste fixe depuis février 2015. Ces attaques ne répondent pas à une stratégie militaire clairement établie."
En réalité, Ukrainiens comme Russes semblent peu intéressés par une résolution du conflit et s’accusent mutuellement d’être à l’origine des tensions sur le terrain. "En réalité, nous constatons sur le terrain que les deux camps sont à l’origine des violations du cessez-le-feu et quet qu'on continue de stocker des armes lourdes des deux côtés de la ligne de front", affirme Alexander Hug.
Une opportunité à saisir selon Jean-Yves Le Drian
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, veut pourtant y croire. À présent que l’élection présidentielle russe est passée et avant l’élection présidentielle ukrainienne en 2019, "il faut profiter de ce moment pour agir", a-t-il déclaré le 6 juin sur Europe 1, voyant là "une fenêtre d’opportunité".
La France et l'Allemagne comptent donc formuler auprès de l'Ukraine et de la Russie des propositions d'action sur le plan sécuritaire, politique, humanitaire et économique, explique le Quai d’Orsay, qui espère ainsi "engager une dynamique vertueuse pour progresser vers la mise en œuvre complète des accords de Minsk" et aboutir "au retour de la souveraineté de l'Ukraine sur les territoires actuellement sous contrôle séparatiste dans le cadre d'une autonomie locale".
Il y a toutefois peu d’espoirs de voir à Berlin une relance concrète du processus de paix, estime le correspondant de France 24 en Ukraine. "Malgré leurs affirmations, on ne voit pas bien quel intérêt aurait l'Ukraine ou la Russie à bouger sur le fond. C’est plutôt du côté d’un échange de prisonniers qu’il pourrait y avoir des annonces. Avec la Coupe du monde de football qui va bientôt démarrer en Russie, Vladimir Poutine aura peut-être à cœur de pouvoir mettre en avant des avancées sur le dossier ukrainien", estime Gulliver Cragg.
L’hypothèse d’un échange de prisonniers a en effet été évoquée le 9 juin lors d’une conversation téléphonique entre le président russe et son homologue ukrainien, Petro Porochenko.
Les détentions et condamnations médiatisées de citoyens dans les deux pays se sont multipliées ces dernières années. Le cas le plus connu est celui du cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, qui purge une peine de 20 ans dans une prison du Grand nord en Russie et observe une grève de la faim depuis plus de trois semaines. Son cas et celui d'autres prisonniers ont été évoqués.
De son côté, Vladimir Poutine insiste sur la nécessité de libérer les journalistes russes arrêtés en Ukraine, notamment le russo-ukrainien Kyrylo Vychynski, responsable en Ukraine de l'agence de presse russe RIA Novosti. Ce dernier a été arrêté fin mai à Kiev et inculpé de "haute trahison", un crime passible de 15 ans de prison.
En 2016, un échange de prisonniers avait eu lieu entre Moscou et Kiev impliquant deux militaires russes présumés et l'ancienne pilote militaire ukrainienne Nadia Savtchenko. Kiev s'est dit cette fois-ci prête à échanger 23 citoyens russes détenus pour "espionnage" dans le pays contre des prisonniers ukrainiens.