Nouveau couac dans les relations germano-américaines : Richard Grenell, le nouvel ambassadeur des États-Unis à Berlin, a multiplié les provocations contre Angela Merkel, provoquant l’ire du gouvernement et les appels à la démission.
Il est en poste depuis un peu plus d’un mois seulement, et déjà les appels à la démission de Richard Grenell, ambassadeur des États-Unis en Allemagne, se multiplient à Berlin. Martin Schulz, candidat malheureux des sociaux-démocrates aux législatives de septembre 2017, veut le voir partir “au plus vite” et la chancellerie attend des explications sur des propos qu’il a tenus durant le week-end.
Richard Grenell a en effet souhaité un réveil des “forces conservatrices” anti-establishment en Europe, critiqué la politique migratoire d’Angela Merkel et déploré l’état de l’armée allemande, dans une série d’entretiens accordés à Breitbart Londres, le bras britannique du site américain ultra-conservateur dirigé par l’ex-conseiller de Donald Trump Steve Bannon.
Faux pas diplomatiques
En Allemagne, ces déclarations ont été perçues comme un soutien à peine voilé aux populistes de droite de l’Alternative für Deutschland (AfD) et à une ingérence inacceptable dans les affaires de l’État. “Je sais que vous êtes encore novice à votre poste, mais l’interférence dans la politique d’un pays hôte ne fait pas partie de la description du poste d’ambassadeur”, a rétorqué sur Twitter Lars Klingbeil, secrétaire général du SPD.
I know you are still quite new at your post, but it is not part of the job description of an ambassador to interfere in the politics of his guest country, Mr @RichardGrenell #thankyou https://t.co/Wi5uF9WjCO
Lars Klingbeil (@larsklingbeil) 4 juin 2018Richard Grenell s’est, par la suite, défendu en soutenant qu’il n’avait fait que constater que les conservateurs européens avaient le vent en poupe. Il n’aurait jamais eu l’intention d’exprimer ses sympathies pour les populistes allemands. Mais les Allemands, échaudés par les débuts peu diplomatiques de l’ambassadeur américain à Berlin, ont du mal à souscrire à cette explication.
Car l’homme du président Trump en Allemagne avait déjà irrité ses hôtes quelques jours après son arrivée à Berlin, le 27 avril. “Les entreprises allemandes devraient quitter immédiatement l’Iran”, avait-il déclaré, le 8 mai, en référence à la décision américaine de réinstaurer les sanctions contre Téhéran. Le gouvernement allemand avait dû rappeler à Richard Grenell que la politique économique allemande n’était pas décidée depuis l’ambassade américaine à Berlin.
Peu impressionné par la mise au point, Richard Grenell avait ensuite loué le talent de Sebastian Kurz, le chancelier conservateur autrichien qui a noué une alliance avec l’extrême droite pour gouverner. Un autre faux pas diplomatique : le jeune dirigeant autrichien est considéré en Allemagne comme l’antithèse d’Angela Merkel. Qu’importe, Richard Grenell a réitéré à Breitbart son admiration pour Sebastian Kurz, qualifié de “rockstar”.
Il tweete plus vite que Donald Trump
Cette multiplication de gaffes ou provocations arrive à un moment où les relations sont déjà particulièrement tendues entre Washington et Berlin. Donald Trump a fait de l’Allemagne sa cible de prédilection en Europe, critiquant, tour à tour, sa force de frappe commerciale qui ferait du mal à l’économie américaine, et sa participation jugée trop modeste au budget de l’Otan. Angela Merkel, quant à elle, n’a pas caché son peu d’enthousiasme pour les débuts de Donald Trump sur la scène internationale. La chancelière allemande avait même déclaré que l’Europe ne devait plus se “reposer uniquement sur son allié américain”.
As @realDonaldTrump said, US sanctions will target critical sectors of Iran’s economy. German companies doing business in Iran should wind down operations immediately.
Richard Grenell (@RichardGrenell) 8 mai 2018Au lieu de jouer les agents modérateurs, Richard Grenell ajoute de l’huile sur le feu en empruntant à la rhétorique de Donald Trump à l’égard de l’Allemagne. Les observateurs allemands avaient pourtant exprimé un certain soulagement lors de la nomination du nouvel ambassadeur début avril 2018, après une vacance du poste de 15 mois .
Au moins, Richard Grenell avait une expérience diplomatique, puisqu’il a été porte-parole des États-Unis à l’ONU de 2001 à 2008 et qu’il a ensuite été le conseiller diplomatique du conservateur Mitt Romney durant sa campagne présidentielle de 2012. Ouvertement homosexuel et fervent défenseur du mariage entre personnes du même sexe, il ne semblait pas non plus appartenir à la frange la plus réactionnaire du camp pro-Trump. Même s’il a été par ailleurs chroniqueur régulier sur la chaîne ultra-conservatrice Fox News.
Mais deux détails auraient dû mettre la puce à l’oreille des Allemands. D’abord, Richard Grenell tweete plus vite que son président... et avec la même outrance. Cette propension à abreuver le réseau social de ses commentaires a même failli lui coûter le poste d’ambassadeur en Allemagne. Les démocrates américains se sont longtemps opposés à sa nomination, arguant qu’il ne faisait pas preuve d’une retenue très diplomatique. Il a d’ailleurs reconnu que certains de ses messages - notamment une série de tweets misogynes qu’il a depuis effacés - avaient pu être mal perçus.
Ensuite, le meilleur allié et mentor de Richard Grenell à Washington est John Bolton, le conseiller de Donald Trump à la Sécurité nationale et faucon des relations internationales, assure l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. Pas étonnant dans ce contexte que le ton du nouvel ambassadeur en Allemagne soit tout sauf conciliant.