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Une enquête ouverte visant le secrétaire général de l'Élysée, soupçonné de conflit d'intérêts

Le parquet national financier a ouvert lundi une enquête sur Alexis Kohler, numéro 2 de l'Élysée, soupçonné de conflit d'intérêts. L'association anticorruption Anticor a dénoncé les liens étroits qu'il entretient avec l'armateur italo-suisse MSC.

Le bras droit d'Emmanuel Macron, Alexis Kohler, a-t-il agi en faveur d'une entreprise privée, avec laquelle il a noué des liens étrois familiaux et professionnels, dans des discussions avec l'État ? Suivant une plainte de l'association Anticor, pour "prise illégale d'intérêt" et "trafic d'influence", le parquet national financier (PNF) a décidé lundi 4 juin d'ouvrir une enquête sur l'actuel secrétaire général de l'Élysée.

Des investigations sont menées afin de "vérifier si les règles relatives à la mise en disponibilité des agents publics ont bien été respectées" dans ce dossier, indique le PNF dans un communiqué, expliquant qu'Alexis Kohler "aurait pu traiter des dossiers intéressant" pour l'armateur MSC lorsqu'il était à l'Agence des participations de l'État et à Bercy.

Dans sa plainte déposée vendredi à Paris et consultée par l'AFP, Anticor, s'appuyant sur des articles de Mediapart, dénonce les relations entre le numéro 2 de l'Élysée et l'armateur italo-suisse MSC, client important de STX France, les chantiers navals de Saint-Nazaire.

Grand pourvoyeur de commandes pour ces chantiers dont il était certaines années l'unique client, l'armateur a joué un rôle essentiel dans les discussions sur leur avenir menées avec l'État français au cours des récentes années.

Or dans sa plainte, révélée par RTL et Le Monde, Anticor reproche d'abord à Alexis Kohler d'avoir accepté de siéger comme représentant de l'État au conseil d'administration de STX France à partir de 2010 alors qu'il "ne pouvait ignorer qu'il existait un conflit d'intérêt", l'armateur MSC ayant été fondé et étant dirigé par les cousins de sa mère.

Premier refus de la commission de déontologie

Pour démontrer ces liens étroits, Anticor rappelle que ce haut fonctionnaire quadragénaire a voulu à deux reprises rejoindre l'armateur après avoir été directeur adjoint de cabinet au ministère de l'Économie, entre 2012 et 2014 quand le poste était occupé par Pierre Moscovici et entre 2014 et 2016, quand Emmanuel Macron lui a succédé.

La première fois, en avril 2014, la commission de déontologie, l'instance chargée de contrôler le départ des agents publics dans le secteur privé, s'était opposé à sa demande. Mais en août 2016, quand Emmanuel Macron avait quitté Bercy, Alexis Kohler avait finalement obtenu le feu vert de la commission et rejoint MSC Croisières au poste de directeur financier.

Tout en occupant ces hautes fonctions chez l'armateur, il était devenu un membre actif de la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron.

Sur cette période, Anticor soupçonne Alexis Kohler d'être intervenu comme cadre de MSC dans une réunion à Bercy en mars 2017 sur la reprise de STX France, alors menacé de faillite. STX France avait finalement fusionné avec son concurrent italien Fincantieri et MSC n'était pas monté au capital du groupe comme il le souhaitait.

Pas d'"affaire Kohler", selon Castaner

Neuf mois après son arrivée chez MSC, Alexis Kohler a rejoint l'équipe d'Emmanuel Macron pour devenir son secrétaire général de l'Élysée, un poste de tour de contrôle crucial dans le fonctionnement de l'exécutif.

"C'est le seul" qu'Emmanuel Macron "écoute vraiment", assurait un proche du président au moment de sa nomination.

Interrogé par Médiapart, Alexis Kohler a déclaré qu'il a "toujours informé sa hiérarchie des situations dans lesquelles il aurait pu se trouver en conflit d'intérêts" et "s'est toujours déporté pour éviter lesdites situations".

L'Élysée a réitiré sa confiance à son secrétaire général, lundi, estimant les accusations "totalement infondées". "De notre point de vue, cette plainte s’appuie sur des articles de presse de Mediapart qui contiennent de nombreuses et graves erreurs factuelles", déclare la présidence de la République.

"M. Kohler tient à préciser qu’il a toujours tenu sa hiérarchie informée des liens personnels qu’il avait avec l’entreprise MSC. Il s’est en conséquence systématiquement déporté de toute délibération et de toute décision ayant trait à cette entreprise", ajoute l'Élysée. "Sa hiérarchie, qui était donc informée de ses liens personnels, a naturellement veillé au conflit d’intérêt potentiel."

Christophe Castaner, délégué général de la République en Marche, est venu également au secours du numéro 2 de l'Élysée, lundi, en affirmant qu'il n'y avait pas d'"affaire" Alexis Kohler. "Je ne qualifie pas d''affaire' le fait qu'une structure, Anticor, qui est habituée à cela, multiplie les initiatives et les perde souvent", a taclé sur Public Sénat le secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement. Christophe Castaner a cependant jugé "normal" qu'Anticor "puisse saisir la justice si elle a un doute".

Depuis plusieurs années, cette association est devenue un acteur, parfois contesté, de la justice financière qu'elle a plusieurs fois bousculée avec des plaintes à fort retentissement médiatique.

Ces derniers mois, l'association a notamment réussi à faire condamner le patron de Radio France Mathieu Gallet pour favoritisme et a obtenu la relance de l'enquête pour "prise illégale d'intérêts" visant le chef de file des députés LREM Richard Ferrand.

Avec AFP et Reuters