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En Tunisie, Youssef Chahed accuse Hafedh Caid Essebsi d'avoir "détruit" le parti présidentiel

Sous pression depuis plusieurs semaines, le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed est sorti de son silence pour défendre son bilan et accuser Hafedh Caid Essebsi, le fils du président, d’avoir "détruit" le parti présidentiel Nidaa Tounes.

"Les dirigeants de Nidaa Tounes, et à leur tête Hafedh Caid Essebsi (le fils du président Béji Caïd Essebsi, NDLR), ont détruit le parti. Cela est même devenu une menace pour les institutions publiques". Mardi 29 mai, le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed a vertement attaqué le directeur exécutif du parti présidentiel, lors d’un discours retransmis en direct à la télévision publique dans lequel il s’est évertué à défendre son bilan.

Issu des rangs de Nadaa Tounes dont une partie réclame aujourd’hui son départ, Youssef Chahed, 42 ans, a semble-t-il choisi son mode de défense : l’attaque. Isolé mais déterminé, il n'envisage pas de démissionner. "Notre pays a besoin de consensus politique", a-t-il affirmé, alors que des élections présidentielle et législatives sont prévues en 2019.

Loin du consensus, les dissensions sont de plus en plus évidentes sur la scène politique tunisienne. Le parti islamiste Ennahdha, membre de la coalition gouvernementale, s'oppose à un huitième changement de chef de gouvernement en sept ans, tandis que la puissante centrale syndicale UGTT réclame ouvertement le départ de Youssef Chahed, tout comme Hafedh Caid Essebsi, leader de Nidaa Tounes depuis plus de deux ans, formation politique créée en 2012 par son père.

"Le conflit entre les deux hommes est connu de tous, mais jusque-là, Youssef Chahed avait toujours pris soin d’éviter les critiques directes envers Hafedh Caid Essebsi. Quand il a été nommé chef du gouvernement en août 2016, le parti qui l’a porté candidat, Nidaa Tounes, pensait qu’il allait être un chef du gouvernement docile mais il a essayé de s’émanciper, de gagner en autonomie vis-à-vis de sa formation politique tout en essayant de garder une bonne relation avec le chef de l’État", explique à France 24 Youssef Chérif, analyste politique tunisien.

La politique d’abord

Ce bras de fer sur le sort du gouvernement d'union nationale de Youssef Chahed a eu pour conséquence, lundi 28 mai, la suspension par la présidence des travaux du Pacte de Carthage, le processus de concertation avec les partis et syndicats qui vise à orienter de la façon la plus consensuelle possible les actions du gouvernement et les réformes.

Reste à savoir quelle position va adopter Béji Caïd Essebsi. Le président du pays, qui était en déplacement en France au moment du discours télévisé du chef du gouvernement, pourrait-il désavouer son fils ? "Pour Béji Caïd Essebsi, 91 ans, la politique passe en premier lieu. Il agira en fonction des intérêts politiques", estime Youssef Chérif. Son parti Nidaa Tounes, avec lequel il s’est hissé au pouvoir en 2014, a perdu du terrain et de la crédibilité lors des dernières élections. "Il paie son interminable crise, la contestation de son leadership, son incapacité à se structurer, et le spectacle affligeant de ses rivalités internes. Il paie aussi l’ambiguïté de son identité : créé pour contrer Ennahda, il a formé une coalition avec lui", estime le journal indépendant Orient XXI.

Quant au sort de Youssef Chahed, "seul le Parlement détient la décision de changer le Premier ministre", a souligné lundi le chef de file d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, ajoutant que "le pays ne peut pas supporter un nouveau changement radical". "Le vote se fera suivant ce que décidera le président. Si le président est clairement en colère, alors le Parlement se rangera de son côté", nuance Youssef Chérif.