Il y a encore dix ans, les pirates somaliens attaquaient fréquemment les bateaux au large de la Somalie, face à la côte du Puntland. À l'origine de cette vague de violence : la colère des pêcheurs locaux face aux chalutiers venus du monde entier ratisser les eaux poissonneuses de la Corne de l'Afrique. Nos correspondants sont allés à la rencontre de ces pêcheurs, et des forces armées locales qui luttent à présent contre un fléau bien plus dangereux : les islamistes Shebab.
Oubliés le drapeau noir et la tête de mort. Les pirates des temps modernes n'annoncent plus la couleur, mais ils n'ont pas disparu. Il y a dix ans, la piraterie était largement présente au large des côtes somaliennes. En 2008, 111 cargos remplis de valeurs marchandes ont été attaqués dans le Golfe d'Aden, qui sépare la Somalie du Yémen et fait le lien entre l'Océan indien et la mer Rouge. Les attaques ont plus que doublé l'année suivante, avec 47 abordages réussis et 263 membres d'équipage pris en otage.
L'épicentre de la piraterie était paradoxalement l'une des zones les plus stables de Somalie, le Puntland (nord-est), qui a déclaré son autonomie en 1998. En cause, les pêcheurs locaux, en colère contre les chalutiers venus du monde entier ratisser les eaux poissonneuses de la Corne de l'Afrique. En tentant de faire peur à ces équipages étrangers, certains se sont rendus compte qu'avec les prises d'otages, ils tenaient là une activité bien lucrative. En 2011, 154 millions de dollars de rançons avaient déjà été versés aux pirates, avant qu'une action conjointe des armateurs et de la communauté internationale ne parvienne à reprendre la situation en main. La présence armée de l’Union européenne a permis récemment de faire disparaitre la quasi-totalité de ces attaques.
Retraite forcée des pirates
Une décennie après l'âge d'or de la piraterie en Somalie, nos journalistes Thaïs Brouck et Duncan Woodside se sont rendus au Puntland pour constater que la vie a repris son cours. La plupart des pirates ont pris une retraite forcée, leur butin dépensé depuis longtemps, mais la pêche non autorisée et non déclarée reste un important problème, malgré la présence massive de navires de surveillance internationaux et les opérations dans le Golfe des garde-côtes du Puntland, que nos reporters ont accompagnés.
D'un autre côté, l'autorité du gouvernement est minée par les islamistes Shebab, une branche d'Al-Qaïda qui s'établit dans la région, sous la pression de la coalition militaire internationale dans le sud du pays, et recrute dans une population déspérée par les conflits qui déchirent le pays et affamée par la sécheresse qui dure depuis maintenant deux ans.