
L’élection d’Emmanuel Macron, le 7 mai 2017, a provoqué un séisme dans le paysage politique français. Un an après, la recomposition est toujours en cours avec, aussi bien à gauche qu’à droite, des partis qui se cherchent une nouvelle identité.
Jamais une élection présidentielle sous la Ve République n’avait autant rebattu les cartes du paysage politique. En accédant à l’Élysée sans l’appui d’un parti politique installé de longue date dans les territoires, Emmanuel Macron a provoqué un tsunami dont les effets se font toujours sentir : à gauche, le Parti socialiste a failli être rayé de la carte et tente de se relever sans son candidat présidentiel, Benoît Hamon, désormais à la tête de son propre parti ; à droite, Les Républicains, dont trois de leurs anciens membres sont devenus des figures majeures du gouvernement, restent divisés entre soutien et opposition au nouveau chef de l’État. Un an, jour pour jour, après l’élection d’Emmanuel Macron, état des lieux des principales forces politiques françaises.
- La France insoumise
Remis de sa déception de ne pas accéder au second tour de l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a endossé son costume d’opposant en chef à Emmanuel Macron. Avec 17 députés, La France insoumise (LFI) est dans l’incapacité de peser réellement à l’Assemblée nationale pour modifier les projets de loi et mène donc son combat dans la rue et auprès des médias.
Si la politique du gouvernement n’est en rien altérée par les coups médiatiques de François Ruffin ou par les appels à manifester de Jean-Luc Mélenchon, les Insoumis bénéficient toutefois pleinement de la recomposition politique en cours. Porteur d’un projet politique clair et dirigée par un chef incontesté, LFI est en effet devenu le parti d’opposition le plus audible.
- Génération.s
Balayé au premier tour de l’élection présidentielle avec seulement 6,36 % des voix, battu lors des élections législatives dans sa circonscription des Yvelines un mois et demi plus tard, Benoît Hamon a fait le choix de quitter le Parti socialiste (PS) pour fonder son propre parti, Génération.s, avec l’espoir de fédérer à la jonction de LFI et du PS.
Porteur d’un discours résolument à gauche, ayant fait de l’écologie l’un de ses thèmes majeurs et en opposition frontale à Emmanuel Macron, l’ancien candidat socialiste à la présidentielle a toutefois du mal à exister, un an après sa déroute. Sans aucun mandat et avec peu de moyens, Benoît Hamon ne peut compter que sur les invitations dans les grands médias pour faire connaître son parti. Les élections européennes de 2019 devraient constituer un test pour son jeune parti.
- Parti socialiste
Donné pour mort après la double claque reçue lors des élections présidentielle et législatives, le Parti socialiste (PS) bouge encore et vient de porter à sa tête un nouveau premier secrétaire, Olivier Faure. Le député de Seine-et-Marne a pris les rênes d’un parti dont les principales figures sont désormais absentes : soit parce qu’elles ont arrêté la politique (Bernard Cazeneuve, Arnaud Montebourg), soit parce qu’elles ont été battues aux législatives et préfèrent prendre un peu de recul (Najat Vallaud-Belkacem, Myriam El Khomri), soit parce qu’elles ont changé d’étiquette (Manuel Valls, Benoît Hamon). Sans oublier que certains ténors avaient déjà quitté le parti (Gérard Collomb, Jean-Yves Le Drian) avant et durant la campagne présidentielle.
Paradoxalement, alors qu’Olivier Faure tenait un discours conciliant à l’égard d’Emmanuel Macron au printemps dernier, la politique très ancrée à droite menée par ce dernier pourrait aider le patron des socialistes à trouver un espace politique entre un discours "à gauche toute" de type Mélenchon-Hamon et la politique gouvernementale. Olivier Faure espère notamment voir revenir un certain nombre d’élus, de militants et d’électeurs partis chez La République en marche il y a un an et aujourd’hui déçus par Emmanuel Macron. Le chemin vers un retour du PS au premier plan existe, mais il sera long et sinueux.
- La République en marche
Créé il y a à peine deux ans, le parti d’Emmanuel Macron est devenu en quelques mois la première force politique à l’Assemblée national avec 308 députés. Il lui reste désormais à réussir son implantation au niveau local et à devenir un vrai parti plutôt qu’une simple machine à faire gagner un candidat à l’élection présidentielle.
En attendant de savoir s’il y parviendra, la ligne droitière choisie par Emmanuel Macron depuis son élection commence à créer des fractures au sein de la majorité : 14 députés La République en marche (LREM) se sont abstenus lors du vote, fin avril, du projet de loi asile et immigration, tandis qu’un quinzième, Jean-Michel Clément, a carrément voté contre avant de quitter le groupe dans la foulée. Mais ces quelques parlementaires téméraires restent pour le moment peu nombreux. Peu de chance, en effet, de voir la majorité se diviser comme lors du quinquennat Hollande.
- Mouvement démocrate
Allié de La République en marche lors des élections de 2017, le Mouvement démocrate de François Bayrou est l’autre grand gagnant du succès d’Emmanuel Macron. Avec 41 députés et deux membres du gouvernement, le MoDem se porte bien, mais cherche toujours sa place au côté des députés LREM. Le groupe majoritaire n’ayant pas besoin des voix du groupe centriste pour voter ses textes, le parti de l’éphémère ministre de la Justice a du mal à peser.
De même, le message de François Bayrou, qui appelle depuis plusieurs mois pour davantage de justice sociale dans la politique gouvernementale, n’a pour le moment pas été entendu par le chef de l’État.
- Les Républicains
Deuxième force politique à l’Assemblée nationale après La République en marche avec 96 députés, Les Républicains est toutefois le parti qui le plus déboussolé depuis l’élection d’Emmanuel Macron. La politique de droite menée par ce dernier et la nomination d’Édouard Philippe à Matignon, de Bruno Le Maire et Gérald Darmanin à Bercy divisent le parti de Laurent Wauquiez quant à l’attitude à adopter vis-à-vis du président. La plupart de ceux qui souhaitaient soutenir son action ont fini par quitter le navire : soit pour former le parti Agir - La droite constructive (Franck Riester, Fabienne Keller), soit en rejoignant directement La République en marche (Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Thierry Solère, Sébastien Lecornu).
Les autres ont choisi de suivre Laurent Wauquiez sur une ligne qui ressemble de plus en plus à celle du Front national. Poussé vers sa droite par un Emmanuel Macron qui occupe le terrain de la droite modérée, le patron de LR tente de se démarquer en adoptant un discours anti-élites, très conservateur sur les sujets de société, protectionniste et tourné vers la France rurale.
- Front national
En convalescence depuis la défaite de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, le Front national a voulu faire de son congrès, en mars, celui de la "refondation". La proposition d’un nouveau nom, Rassemblement national, va dans ce sens, mais le discours tenu par Marine Le Pen et la présence de l’ancien stratège de Donald Trump, le sulfureux Steve Bannon, ont plutôt semblé signifier un retour aux fondamentaux – lutte contre "l’immigration incontrôlée" et "l’islamisation de la société" – du parti d’extrême droite.
Entre le départ de son ancien bras droit, Florian Philippot, parti créer Les Patriotes, et celui de sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen, qui a préféré prendre du recul mais semble en embuscade pour reprendre le parti, Marine Le Pen a conscience d’avoir été fragilisée en 2017. Elle jouera gros lors des élections européennes de 2019.