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La condamnation de cinq hommes pour "abus sexuels" et non pas "viol" révolte l'Espagne

Cinq Espagnols ont été condamnés jeudi à neuf ans de prison en Espagne pour des "abus sexuels" sur une jeune femme qu'ils avaient eux-mêmes filmés, mais la qualification de "viol" n'a pas été retenue, suscitant une vague de protestations.

Une vague de protestations secoue l’Espagne. Jeudi 26 avril, cinq Espagnols se surnommant "la meute" ont été condamnés à neuf ans de prison pour des "abus sexuels" sur une jeune femme qu'ils avaient eux-mêmes filmés, mais la qualification de "viol" n'a pas été retenue.

Les cinq Sévillans, âgés de 27 à 29 ans, s'étaient eux-mêmes vantés de leurs actes du 7 juillet 2016, pendant les fêtes très populaires de la San Fermin en Navarre (nord). Sur un groupe de messagerie WhatsApp intitulé "la manada" ("la meute"), ils s'étaient notamment envoyé une vidéo des faits accompagnée du message : "en train d'en baiser une à cinq".

Le jugement du tribunal de Navarre était particulièrement attendu en Espagne, sept semaines après une "grève générale féministe" sans précédent et les énormes manifestations du 8 mars pour les droits des femmes.

La condamnation de cinq hommes pour "abus sexuels" et non pas "viol" révolte l'Espagne

Les juges ont condamné chacun des cinq prévenus à neuf ans de prison pour "abus sexuel" sur une Madrilène de 18 ans, aggravé du chef d'"abus de faiblesse". Ils devront en outre verser 50 000 euros à la victime, qu'ils n'ont plus le droit d'approcher ni de contacter pendant quinze ans. Une sentence très inférieure aux réquisitions du parquet, qui avait requis vingt-deux ans et dix mois à l'encontre de chacun des prévenus. Les magistrats n'ont pas retenu l'accusation de viol, pour lequel le Code pénal espagnol stipule qu'il doit y avoir eu "intimidation" ou "violence".

Cette décision judiciaire a aussitôt été contestée, et les avocats de la victime et de quatre accusés ont annoncé leur intention de faire appel.

"Ce n'est pas un abus sexuel, c'est un viol"

Aux portes du tribunal, des manifestants criaient "ce n'est pas un abus sexuel, c'est un viol". Et de nombreux usagers de Twitter relançaient le slogan "moi je te crois, ma sœur" à l'attention de la victime.

Une manifestation de protestation était annoncée dans la soirée à Madrid. Une autre était prévue à Barcelone, où la maire de gauche, Ada Colau, s'est adressée à la victime par un tweet : "cela m'indigne qu'après un viol collectif, tu doives supporter la violence d'une justice patriarcale".

Hermana #yosítecreo, y me indigna que tras la violencia de una violación múltiple debas sufrir la violencia de una #JusticiaPatriarcal
No estás sola, hoy seremos miles tomando las calles y uniendo nuestra voz a la tuya. pic.twitter.com/rj7yqKDcfW

  Ada Colau (@AdaColau) 26 avril 2018

L'affaire avait abouti en novembre 2017 à ce que la presse avait appelé le "procès de l'année" à Pampelune. À huis clos, la jeune femme avait raconté avoir bu de la sangria, dansé et fait la fête avec des amis, avant de se retrouver seule sur un banc, où un des jeunes était venu lui parler de "football" ou de "tatouage". Puis elle avait suivi le groupe, embrassé un garçon, sans "penser qu'allait se produire ce qui s'est produit", selon sa déclaration publiée par la presse. "Quand je me suis vue cernée… Je ne savais plus comment réagir… J'ai réagi en me soumettant", avait-elle résumé, en décrivant des fellations à la chaîne et des rapports imposés sans préservatif.

Les prévenus, arrêtés dès le lendemain des faits, ont toujours soutenu que la jeune femme était consentante : à l'image, "on ne voit pas d'agression sexuelle, on voit des relations sexuelles, point", plaidait l'avocat de trois d'entre eux, Agustin Martinez Becerra.

La procureure Elesa Sarasate avait rejeté ces arguments en disant que "l'intimidation, gravissime, avait empêché la résistance ou la fuite". Elle faisait valoir que la jeune fille, qui ne s'était jamais adonnée au sexe en groupe, avait rencontré ses agresseurs sept minutes avant le "viol".

"Une étudiante de 20 ans tuée en 2008 à Pampelune parce qu'elle résistait à son violeur, or aujourd'hui si tu ne résistes pas, ce n'est pas un viol"

La romancière espagnole Lucia Etxebarria a rappelé qu'il y a dix ans, au moment de la San Fermin 2008, une étudiante de 20 ans avait été tuée à Pampelune parce qu'elle résistait à son violeur. Et aujourd'hui "il s'avère que si tu ne résistes pas, ce n'est pas un viol", a-t-elle souligné sur Twitter.

Le ministre de la Justice Rafael Catala a admis qu'il était temps de "réfléchir à une réforme" de la législation espagnole sur les agressions sexuelles, qui date de 1995.

Avec AFP