
Le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, confirme que l’ambassade de France à Téhéran avait pour consigne d’accueillir les manifestants poursuivis. Il demande la libération de Clotilde Reiss et Nazak Afshar.
Réagissant à la comparution de la Française Clotilde Reiss et de la franco-iranienne Nazak Afshar devant le tribunal révolutionnaire de Téhéran, Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères, a confirmé lundi que l’ambassade de France avait servi de refuge à des manifestants poursuivis lors des violents heurts qui ont suivi l’élection présidentielle iranienne du 12 juin.
Lors de son audience vendredi 8 août, Nazak Afshar avait déjà affirmé la même chose, mais des doutes pèsent sur l’authenticité des confessions faites par les deux Françaises devant le tribunal révolutionnaire.
"La consigne était d’ouvrir la porte", affirme à son tour Bernard Kouchner dans une interview publiée lundi par le quotidien Le Parisien / Aujourd’hui en France. "C’est une consigne de tous les Européens. C’est notre tradition démocratique" poursuit-il, sans préciser combien de manifestants ont pu s’y réfugier.
Un respect de la défense "très limité"
Refusant de qualifier ce procès de "simulacre", le ministre déclare également que cette audience télévisée à laquelle seuls les médias iraniens avaient le droit d’assister était un "spectacle que nous avons déjà connu dans d'autres circonstances". Les deux Françaises, comme les nombreux accusés iraniens, ne disposant visiblement pas d’avocats, "le respect de la défense était donc très limité" explique le ministre.
"L'accusée a un avocat et le procès est parfaitement légal" a pourtant rétorqué Téhéran face à cette affirmation.
Quant aux chefs d’accusation qui pèsent sur Clotilde Reiss, le chef de la diplomatie française constate que "ce n’est pas sérieux". L’universitaire française, âgée de 24 ans et installée à Ispahan depuis le mois de février en tant que lectrice de français, se voit reprocher par la justice iranienne d’avoir pris des photos lors de manifestations et d’avoir communiqué un rapport à l’ambassade.
"Non seulement elle n’a pas incité aux manifestations", mais la jeune chercheuse française "n’a pas écrit de rapport, mais une note très brève, à caractère personnel" affirme Bernard Kouchner. "On ne peut l’accuser de rien du tout" conclut-il, appelant à "la libération de [nos] deux ressortissantes".
La multiplication des critiques visant le procès des manifestants devant le tribunal révolutionnaire ont aussi réactivé, lundi, les accusations iraniennes.
Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hassan Ghashghavi, a estimé que ce procès se déroulait conformément "aux lois internationales", qualifiant les réactions occidentales d'"illégales et surprenantes".
Des manifestants violés en prison
Du côté iranien, des accusations de viols en détention ont ressurgi dimanche sous la plume de Mehdi Karoubi, candidat malheureux à l’élection présidentielle du 12 juin.
"Un certain nombre de personnes arrêtées ont affirmé que des jeunes femmes avaient été sauvagement violées […], des jeunes hommes ont également été sauvagement violés [...] et souffrent depuis lors de dépression et de sérieux problèmes psychologiques et physiques", affirme Karoubi dans une lettre.
Ce courrier aurait été adressé le 29 juillet à l'ex-président Akbar Hachémi Rafsandjani, qui dirige le Conseil de discernement du régime et l'Assemblée des experts, deux institutions clés du pouvoir iranien. Mehdi Karoubi avait prévenu qu'il la publierait faute de réponse sous dix jours. Elle a d'abord été publiée sur son site Etemad Melli, avant d'en être retirée.
A la suite du raid mené par la milice du régime iranien contre le campus de l’université de Téhéran, après les grandes manifestations de la mi-juin, plusieurs étudiants emprisonnés avaient témoigné avoir été violés par leur geôliers.
Les accusations de Mehdi Karoubi font écho à la fermeture demandée fin juillet par le numéro un du régime, l'ayatollah Ali Khamenei, de la prison de Kahrizak, où des manifestants détenus avaient été maltraités voire torturés.
200 personnes toujours derrière les barreaux
La police a admis les faits, le directeur du centre de détention ainsi que deux officiers ont été limogés et incarcérés, et plusieurs responsables et employés du centre ont été déférés devant la justice, selon un communiqué de la police iranienne.
Environ 2 000 personnes ont été arrêtées lors des manifestations qui ont suivi l'élection présidentielle du 12 juin, qui ont fait officiellement 30 morts. La plupart ont été libérées sous caution mais 200 personnes sont toujours derrière les barreaux.
Les autorités iraniennes ont déjà reconnu plusieurs morts en prison - il y en aurait eu trois selon des sites internet modérés - affirmant que ces décès étaient dus à un virus et non à des violences, mais ne se sont pas encore exprimées sur ces accusations de viols.
En Iran, le viol est puni par la peine de mort, comme le meurtre, le vol à main armée, le trafic de drogue et l’adultère.