La nomination de John Bolton comme nouveau conseiller à la Sécurité nationale de Donald Trump a provoqué des remous. L’idylle annoncée entre les deux hommes inflexibles risque d'être contrariée par deux dossiers majeurs de politique internationale.
"Faucon parmi les faucons", "va-t’en-guerre à moustache", "diable ultra-conservateur" … : la grande majorité des portraits de John Bolton qui ont été publiés à la suite de sa nomination, le 23 mars, comme conseiller à la Sécurité nationale par le président américain Donald Trump furent unanimes. Ils annonçaient l’entrée, le 9 avril, à la Maison Blanche d’un homme réputé être un belliciste rugueux et s’inquiétaient que leur imprévisible chef d'État puisse être influencé par ses idées très tranchées.
Cependant, les deux hommes, qui sont connus pour leur franc-parler, partagent le même avis sur un certain nombre de questions internationales : un rejet absolu de l’accord de 2015 sur le programme nucléaire iranien, une défiance affichée à l’égard des Nations unies, une inclinaison pro-israélienne assumée, et une certaine aversion pour la diplomatie.
"La diplomatie n’est pas une fin en soi si elle ne sert pas les intérêts des États-Unis", avait affirmé John Bolton, alors qu’il servait sous l'administration de George W. Bush. Un credo au diapason du slogan trumpien "America First", "l'Amérique d'abord".
John Bolton a énormément insisté ces derniers mois sur ses points de convergence avec le président américain, dont il a systématiquement encensé la politique étrangère, lors de ses interventions sur Fox News ou sur son compte Twitter, soit la chaîne d’informations préférée et le canal de communication favori de Donald Trump. Une campagne de séduction aux forts accents d’allégeance qui a, selon plusieurs médias américains, fini par convaincre le président américain de le nommer à un poste clé de la Maison Blanche, en lieu et place du général H.R. McMaster.
Divergences sur le régime nord-coréen
Toutefois, deux dossiers majeurs risquent de contrarier l’idylle annoncée entre, paradoxalement, un président aux penchants non interventionnistes et son conseiller unilatéraliste partisan de "frappes préventives" contre l’Iran et la Corée du Nord. Le régime de Pyongyang est, avec le pouvoir iranien, qu’il souhaite voir tous deux renversés, justement l’une des principales obsessions de John Bolton.
Sa nomination intervient alors que la Maison Blanche prépare un sommet historique et inédit avec le leader nord-coréen Kim Jong-un. Or John Bolton n’a de cesse de répéter que négocier avec la Corée du Nord est "pire qu’une perte de temps", arguant que cela permettait "de légitimer la dictature".
Talking to #NorthKorea is worse than a mere waste of time. Negotiations legitimize the dictatorship.
John Bolton (@AmbJohnBolton) 29 septembre 2017Un avis que partageait jusqu’à récemment le président américain, très agressif sur ce dossier, avant de finir par accepter de rencontrer Kim Jong-un. Récemment interrogé sur cette initiative et ses chances de succès, le futur conseiller à la sécurité nationale s’est montré pour le moins sceptique, arguant qu’elle ne serait couronnée de succès que si la Corée du Nord acceptait de dénucléariser.
L’ancien ambassadeur aime souvent raconter à la télévision une blague sur le régime nord-coréen : "Comment savoir que le régime nord-coréen ment ? Réponse : dès qu’il bouge l es lèvres". Dans une tribune, publiée fin février par le "Wall Street Journal", il allait même jusqu’à affirm er qu'il était "parfaitement légitime pour les États-Unis de répondre" à "la menace" nucléaire "en frappant en premier" la Corée du Nord.
Honni par le régime nord-coréen, qui l’avait qualifié de "déchet humain" en 2003, John Bolton a peut-être été appelé aux côtés de Donald Trump, qui privilégie une approche musclée lorsqu’il s’agit de négocier, pour intimider Kim Jong-un. Une manière implicite de lui rappeler que l’option militaire reste sur la table en cas d’échec des négociations.
Pourtant , John Bolton devra refreiner ses discours guerriers en arrivant à la Maison Blanche pour ne pas froisser le président américain , qui se déclare quasi-certain d’arracher un accord "spectaculaire" avec Pyongyang. "Pendant des années et sous de nombreuses administrations, chacun s'accordait à dire que la paix et la dénucléarisation de la péninsule coréenne étaient inenvisageables. Maintenant il y a une bonne chance de voir Kim Jong-un faire ce qu'il faut pour son peuple et pour l'humanité", a-t-il récemment tweeté.
Poutine ? "Un menteur"
L’autre dossier ultra-sensible sur lequel John Bolton devra se montrer moins vindicatif concerne la Russie. Une puissance que l’anti-communiste convaincu qu’il fût dans sa jeunesse regarde toujours avec suspicion. L’été dernier , Bolton avait qualifié le président russe Vladimir Poutine de "menteur" et décrit les allégations d’interférence de Moscou dans l’élection présidentielle américaine comme un "casus belli". En janvier, il avait dénoncé l’aventurisme russe au Moyen-Orient et appelé Washington et ses alliés "à faire plus" contre "l’axe Moscou-Tehéran-Damas-Hezbollah", non sans rappeler une rhétorique chère à George W. Bush.
The recent Russian presidential election was a chance for #Putin to practice election meddling on his own elections so he can do it better elsewhere. We need a long term strategy to deal with countries like #Russia and #China with long standing rulers.
John Bolton (@AmbJohnBolton) 20 mars 2018Début mars, il a estimé que les sanctions américaines récemment prises contre Vladimir Poutine et sa garde rapprochée étaient "symboliques et inefficaces". Ces sanctions sont intervenues après plusieurs mois de tergiversations qui ont suscité des interrogations sur la volonté réelle de Donald Trump de s’attaquer frontalement au Kremlin. Et ce, alors qu’à Washington, une enquête est en cours pour déterminer s'il y a eu collusion entre les équipes de campagne du milliardaire et Moscou avant l'élection présidentielle américaine de 2016 .
Enfin, encore plus récemment, alors que Donald Trump avait félicité son homologue russe pour sa réélection, John Bolton avait ironisé en twittant que "la récente élection présidentielle russe avait été une chance pour Poutine de s’adonner à l'ingérence électorale lors de ses propres élections, afin qu'il puisse le faire mieux ailleurs".
S’il doit à son franc-parler son entrée à la Maison Blanche, John Bolton se risquera-t-il à prendre la porte, comme ses deux derniers prédécesseurs, pour un mot de trop ?