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Wall Street : des bonus à la pelle pour les traders

Plus de 31 milliards de dollars de bonus ont été distribués à Wall Street en 2017, un niveau inédit depuis 2006 et les excès des marchés financiers. Une générosité qui fait craindre à certains un retour des pratiques douteuses.

La crise de 2008, les tentatives de régulation du monde financier ? Wall Street a décidé d’en faire table rase. Les bonus versés sur la principale place financière mondiale en 2017 ont atteint 31,4 milliards de dollars, leur plus haut niveau depuis 2006 (34,3 milliards de dollars), a indiqué Thomas DiNapoli, le contrôleur de l’État de New York, mardi 27 mars.

Les 177 000 traders de Wall Street ont touché, en moyenne, 184 220 dollars chacun en plus de leur salaires et hors stock-options. C’est 17 % de plus qu’en 2016 et cela équivaut à trois fois la moyenne nationale du revenu annuel par ménage.

Opportunisme

Cette générosité fait craindre à certains à un retour des pratiques douteuses qui ont contribué à la crise des subprimes. “Des incitations disproportionnés peuvent non seulement entraîner des prises de risques inconsidérées et des excès sur les marchés financiers, mais renforce aussi la méfiance exprimée [par le public] à l’égard du système financier”, a averti le président de la Réserve fédérale de New York, Bill Dudley.

Mais cette inflation n’est pas seulement le reflet de la confiance retrouvée des banquiers qui risquerait de dégénérer en nouvelle crise boursière. C’est aussi par opportunisme, a souligné Thomas DiNapoli. En effet, certains banques ont décidé d’avancer à décembre 2017 le versement de bonus qui interviennent début 2018 car, à partir du 1er janvier elles ne peuvent plus déduire les rémunérations variables de leurs impôts.

Un autre phénomène, largement ignoré du grand public, pousse aussi le secteur financier à recourir plus souvent aux bonus : la “juniorisation” des salles de marché, souligne le Financial Times britannique. Peu après la crise de 2008, les banques ont commencé à sacrifier de plus en plus leurs traders les plus expérimentés au profit de jeunes loups de Wall Street afin de faire des économies. Ces “bébés-traders” sont davantage payés en bonus qu’en salaire, ce qui permet de réduire les coûts fixes de l’entreprise.

Manque d’expérience

Certains poids lourds du secteur, comme Goldman Sachs ou Deutsche Bank, comptent dorénavant plus d’un tiers d’employés qui ont moins de trois ans d’expérience professionnelle. Ces institutions expliquent que la “juniorisation” de leur main d’œuvre n’est pas qu’une question de coût, mais aussi une obligation pour faire face à un secteur où la technologie joue un rôle toujours plus important, souligne le Wall Street Journal. Les piliers des salles de marché seraient moins enclins à prendre le train de l’automatisation des tâches.

Les bonus record doivent donc davantage à cette conjonction de facteurs - opportunisme et “jeunisme” - qu’à un retour de l’appétit pour les produits financiers risqués. Ce n’est pas plus rassurant pour autant. “Qu’adviendra-t-il en cas de début de crise ?”, s’interroge ainsi le site américain Business Insider. Traditionnellement à Wall Street, l’été est considéré comme une période à risque car les “adultes” ont laissé les clefs de la maison aux jeunes pour partir en vacances, rappelle le site. Dorénavant, l’incertitude règnera tout au long de l’année. “S’il y a une crise boursière, le marché risque de manquer d’expérience pour y faire face”, prévient un analyste, interrogé par Business Insider. Même l’International Capital Market Association, organisme international représentatif des banques d’investissement, met en garde contre “une érosion des talents expérimentés”.