Un ex-espion russe et sa fille ont été hospitalisés dimanche au Royaume-Uni, "pour une exposition présumée à une substance toxique". Une affaire qui rappelle étrangement l'affaire Litvinenko.
Un ex-espion russe retourné par les services britanniques, arrêté en Russie puis libéré lors d'un échange d'espions en 2010, se trouvait dans un état critique après avoir été mystérieusement empoisonné sur le sol anglais, selon des médias.
L'homme d'une soixantaine d'années a été hospitalisé dimanche 4 mars "dans un état critique" à Salisbury, à 140 km au sud-ouest de Londres, a annoncé lundi la police du Wiltshire, de même qu'une femme d'une trentaine d'années qui se trouvait avec lui. Ces personnes "sont traitées pour une exposition présumée à une substance toxique", a précisé la police. Elles ont été retrouvées inconscientes sur un banc, dans un centre commercial de Salisbury, selon la police.
Le Kremlin a assuré mardi ne disposer d'"aucune information" sur l'éventuel empoisonnement, "tragique" de l’ex-espion russe, assurant que Moscou était "toujours ouverte à la coopération" si Londres demandait.
"Si l'enquête démontre la responsabilité d'un État, le gouvernement répondra de façon appropriée et ferme", a déclaré devant le Parlement britannique le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson.
'Pas de risque immédiat' pour des tiers
Le chef de la diplomatie a confirmé que les deuxp ersonnes attaquées sont Sergueï Skripal, 66 ans, un ex-colonel du renseignement militaire russe, et sa fille Youlia, 33 ans. Accusé d'espionnage au profit du Royaume-Uni, il avait été condamné à 13 ans de prison en Russie en 2006. Il avait été payé 100 000 dollars pour fournir au MI6, le renseignement britannique, les noms des agents russes présents en Europe, selon la BBC.
Né en juin 1951, il avait travaillé jusqu'en 1999 dans les services de renseignement pour l'armée russe, obtenant le grade de colonel, puis de 1999 à 2003 au sein du ministère russe des Affaires étrangères, selon l'agence TASS. Il aurait été recruté dès 1995 par les services britanniques.
Le 9 juillet 2010, Sergueï Skripal a été gracié par le président russe de l'époque, Dmitri Medvedev. Avec trois autres agents russes, il a fait l'objet d'un échange contre dix agents du Kremlin expulsés par Washington, dont Anna Chapman, une jeune femme d'affaires russe surnommée la "nouvelle Mata Hari" à New York. Cet échange, au terme duquel il s'était réfugié en Angleterre, était le plus important depuis la fin de la guerre froide.
L'hôpital de Salisbury a conseillé lundi au public de ne pas se rendre aux urgences de l'établissement "sauf cas d'urgence absolue". Une porte-parole des autorités sanitaires s'est toutefois voulu rassurant, affirmant qu'il n'y "avait apparemment pas de risque immédiat pour la santé du public".
Mais la police du Wiltshire a ensuite conseillé au public d'appeler les services d'urgence "si votre état de santé ou celui de quelqu'un d'autre se détériore rapidement".
Le souvenir de l'affaire Litvinenko
Cette affaire a immédiatement fait ressurgir le spectre de l'affaire Litvinenko, du nom d'un ex-agent du FSB (services secrets russes) et opposant à Vladimir Poutine, empoisonné en 2006 à Londres au polonium-210, une substance radioactive extrêmement toxique.
"Cela ressemble à ce qui est arrivé à mon mari mais nous devons attendre plus d'informations", a dit la veuve d'Alexander Litvinenko au Daily Telegraph. Pour elle, si l'empoisonnement russe est prouvé, cela montrera que "rien n'a changé depuis la mort" de son mari.
Alexandre Litvinenko avait été empoisonné en 2006 après avoir fui la Russie pour Londres avec sa famille en octobre 2000. Il y avait rejoint le milliardaire Boris Berezovski, farouche ennemi de Vladimir Poutine, lui-même décédé dans des circonstances non élucidées en mars 2013.
Selon les conclusions de l'enquête menée par la justice britannique après sa mort, il avait été empoisonné alors qu'il prenait un thé avec Andreï Lougovoï et Dmitri Kovtoun, deux ressortissants russes, au Millenium Hotel, dans le centre de Londres.
"Le fait que M. Litvinenko ait été empoisonné par du polonium-210 fabriqué dans un réacteur nucléaire suggère que MM. Lougovoï et Kotvoun agissaient pour le compte d'un État plutôt que d'une organisation criminelle", avait souligné le juge Robert Owen, chargé de l'enquête.
Avec AFP