Des milliers de personnes ont défilé dans les rues de Bratislava, certains portant des pancartes "journalistes, n'ayez pas peur", en hommage à Jan Kuciak, qui enquêtait sur des soupçons de corruption au plus haut niveau de l'État.
Les rues de Bratislava et d'une douzaine de villes slovaques ont vu défiler des milliers de personnes, vendredi 2 mars, venues rendre hommage au jeune journaliste Jan Kuciak, tué par balles à son domicile, le 25 février dernier, alors qu'il s'apprêtait à publier un article sur les liens de corruption présumés entre des personnalités politiques slovaques et des hommes d'affaires italiens soupçonnés d'être liés à la mafia 'Ndrangheta, opérant en Slovaquie.
Certains portaient des pancartes : "Journalistes, n'ayez pas peur, nous sommes avec vous !". "Nous vivons dans un État de mafieux", a dit à l'AFP un étudiant, Jan Kubis. "Ils n'étaient pas beaucoup plus âgés que moi. Quelque chose doit changer en Slovaquie", a-t-il ajouté.
Le président slovaque Andrej Kiska était également présent, adressant à la foule rassemblée dans le centre de la capitale : "Je suis là, avec vous, pour rendre hommage à deux jeunes, Jan et Martina" - juste avant une minute de silence observée à la mémoire du journaliste et de sa fiancée, également tuée.
La police slovaque a interpellé, jeudi - avant de les libérer 48 heures plus tard - sept Italiens cités par Jan Kuciak dans son rapport explosif. Les enquêteurs ont estimé que la mort du journaliste avait été "très probablement" liée avec son investigation.
Larmes et colère
"Lundi matin, mes collègues avaient les yeux remplis de larmes de colère et de crainte. Les journalistes sont déterminés à continuer leur travail", a lancé aux manifestants Lukas Fila, le directeur des éditions N Press.
"Nous devons montrer que les gens veulent que l'enquête sur cette tragédie aboutisse", a dit pour sa part Beata Baloghova, la rédactrice en chef du plus grand quotidien slovaque, SME.
Pour Christophe Deloire, le secrétaire général de l'ONG Reporters sans frontières (RSF), Bratislava est devenue vendredi "la capitale mondiale de la liberté de la presse".
Les journalistes, de "simples hyènes idiotes"
Christophe Deloire a rencontré vendredi le Premier ministre slovaque Robert Fico. Il a déclaré à l'AFP l'avoir appelé "à clairement exprimer ses regrets" pour avoir publiquement insulté des journalistes. Le bureau du chef du gouvernement slovaque a démenti cette information. Robert Fico a par le passé qualifié les journalistes de "simples hyènes idiotes" ou "sales prostituées anti-slovaques".
Après le meurtre de Jan Kuciak, il a cependant rencontré les responsables des principaux médias pour leur assurer que "la protection de la liberté d'expression et la sécurité des journalistes" étaient "une priorité" pour son gouvernement.
Robert Fico a en même temps accusé l'opposition de se servir de l'affaire du meurtre comme d'un "outil politique pour faire sortir les gens dans la rue".
Vendredi, la fiancée du journaliste, a été enterrée vêtue d'une robe de mariée, dans la ville de Gregorovce, lors de funérailles en présence de centaines de personnes, ont rapporté les médias locaux. Les obsèques de Jan Kuciak auront lieu samedi 3 mars, dans le village de Stiavnik, près de la frontière tchèque.
Avec AFP