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Tout comprendre de la 5G, cette technologie qui s'apprête à changer nos vies

L'édition 2018 du Mobile World Congress de Barcelone, salon mondial de la téléphonie, devrait enfin marquer la fin du "blabla" et l'entrée dans le concret à propos de la 5G, prochaine génération de réseau aussi prometteuse qu'ambitieuse.

BARCELONE, Espagne. – Cela ne tient plus de la projection, mais de la certitude : d’ici deux ans, plus de 20 milliards d’objets connectés – soit trois fois plus que le nombre d’êtres humains –, tourneront à plein régime sur notre belle planète. Voitures autonomes, objets de santé connectée, lunettes de réalité augmentée, robots… Notre réseau va devoir suivre le rythme, et surtout faire preuve d’une extrême fiabilité.

Fort heureusement, on sait déjà par quel truchement tout ce joyeux bazar sera possible : la 5G, qui s’annonce comme bien plus qu’une simple amélioration de notre réseau mobile actuel. Comme le précise l’ARCEP dans un rapport de mars 2017, ce réseau nouvelle génération désigne avant tout un ensemble de technologies qui vont arriver progressivement et cohabiter avec la 4G, les liaisons Wi-Fi ou encore les relais satellitaires. "L’idée qui commence à se forger derrière la notion de 5G est que celle-ci ne correspondrait pas à une simple augmentation des débits, comme cela a été le cas pour les précédentes générations", peut-on lire.

La 5G ne correspond pas à une simple augmentation des débits, comme cela a été le cas pour les précédentes générations

Pourtant, à l’heure où de nombreuses zones en France ne sont toujours pas couvertes par le réseau 4G, il est encore difficile de considérer la 5G comme une technologie bel et bien concrète. Certains d’entre nous n’ont même pas la moindre idée de ce en quoi elle consiste. "La 5G ? Oh la la, je ne sais même pas quelle est la différence entre la 3G et la 4G", m’a lancé une connaissance quand je me suis aventurée sur le sujet. Et c’est bien normal : les standards de la téléphonie mobile sont loin d’être des domaines accessibles au grand public. Mais tentons d’y voir un peu plus clair.

Concrètement, la 5G, on n’y est pas

Bien que les Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang servent actuellement de test grandeur nature à la technologie 5G, ce n’est malheureusement pas demain que l’on pourra regarder nos films en streaming 4K dans les bus de nos grandes villes françaises. D’abord parce que les smartphones compatibles n’arriveront sur le marché international qu’en 2019. Les premiers terminaux 5G, attendus dans le courant de l’année, seront surtout des boîtiers hotspot sans fil. La commercialisation des premières offres 5G en France, elle, est prévue pour 2020, mais Orange se laisse plus de marge en prévoyant le déploiement du réseau de 2020 à 2022.

Ensuite parce que les différents acteurs du secteur – les équipementiers réseau, les opérateurs, les fabricants et autres instances concernées – vont devoir se mettre d’accord sur les détails de cette mise en service. Le Mobile World Congress, qui s’ouvre ce lundi à Barcelone, devrait justement être l’occasion pour tout ce petit monde d’en discuter et d’avancer encore un peu plus sur le sujet. L’édition 2017 du salon avait d’ailleurs vu Intel, Qualcomm, Huawei et d’autres géants de l’industrie mobile tenter d’accélérer leurs efforts en vue de la création du premier standard, finalement officialisé en décembre dernier.

La bonne nouvelle, c’est que les différentes démonstrations effectuées ont démontré que la 5G fonctionnait. Et ça, c’est déjà pas mal.

Une révolution majeure

Pour sûr, la 5G va chambouler un sacré paquet de choses. À tel point que l’on en parle déjà comme de la clé de voûte de la prochaine révolution industrielle. Au CES, en janvier dernier, Stephen Mollenkopf, le patron de Qualcomm, avait déclaré que la 5G serait "le bouleversement le plus important depuis l’électricité", rappelle CNET. Une comparaison pareille a de quoi interpeller.

Il est vrai que ses promesses nous laissent entrevoir un rapport profondément différent aux technologies qui nous entourent. Dans les grandes lignes, voici ce qu’elle va apporter :

  • Des débits équivalents à ceux de la fibre, autour d’au moins 100 Mbit/s en moyenne perçus par l’utilisateur, et jusqu’à 20 Gbit/s, du moins en théorie. Ceci dit, le vrai défi de la 5G ne se résume plus vraiment à la vitesse brute.
     
  • Un temps de latence réduit, qui se trouve être l’amélioration indispensable à l’avènement de la voiture autonome ou encore de la robotique dans le domaine de la santé. Aujourd’hui, le délai de transmission des données en 4G+ approche les 10 millisecondes. En 5G, celui-ci pourrait être réduit à moins d’une milliseconde. Quand il s’agira à un véhicule d’éviter un accident de la route ou à un robot de mener à bien une opération chirurgicale à distance, ces 9 millisecondes feront toute la différence.
     
  • Une connectivité partout, tout le temps, grâce à une couverture réseau renforcée dans les zones commerciales et touristiques ou encore les lieux publics, et à une densité de connexion décuplée : plus d’un million d’appareils au kilomètre carré pourront être connectés en même temps. De quoi laisser une bonne marge de manœuvre à l’Internet des objets et à l’essor de celle que l’on nomme "la ville intelligente".
     
  • Des économies d’énergie, puisque la 5G devrait préserver les batteries de nos appareils. En théorie, nos smartphones, dont les batteries lithium-ion commencent à atteindre leurs limites, devraient désormais pouvoir tenir jusqu’à 3 jours sans charge, et certains petits objets connectés seraient en mesure de rester en état de marche plus de… 15 ans.

De gros avantages… mais aussi pas mal d’inconvénients

Tout cela est très technique, donc nous allons tenter de faire simple. Alors que la 4G a recours à des bandes fréquence en dessous de 6 GHz, la 5G, elle, exploitera des ondes millimétriques, dont la fréquence est comprise en 30 et 300 GHz. Jusqu'à présent, ces bandes n’étaient globalement utilisées que dans le domaine militaire. Elles présentent plusieurs avantages : d’abord celui d’être libres, les fréquences utilisées par la 4G étant déjà bien saturées. Ensuite, d'être particulièrement adaptées au très haut-débit.

Il va falloir multiplier les antennes-relais... et la population va devoir les accepter

Mais elles n’ont pas que des bons côtés, pensez-vous bien : elles ont malheureusement une portée plus courte, car plus la fréquence est haute, moins bonne est la portée. Il faudra alors avoir recours à ce que l’on appelle les smallcells, à savoir des petites antennes reliées à une sorte de grosse "antenne-mère" (elle-même installée en dehors des grandes villes) et dissimulables dans le mobilier urbain. Une autre technologie viendra aussi en renfort : MIMO, pour "Multiple-Input Multiple Output", qui consiste là encore en des centaines de petites antennes capables d’offrir des débits beaucoup plus importants tout en économisant de l’énergie.

"La portée des smallcells étant très courte – quelques centaines de mètres tout au plus – il va falloir les multiplier. La population va donc devoir les accepter", prévient Michel Corriou, responsable du réseau et de la sécurité à l’Institut de Recherche Technologique b<>com. En sachant que l'impact des antennes-relais sur la santé et l'environnement fait encore débat, la perspective de leur augmentation massive suscite déjà l’inquiétude. En septembre dernier, cent soixante-dix scientifiques issus de 37 pays avaient demandé un moratoire sur le déploiement de la 5G "jusqu'à ce que des études (...) sérieuses et indépendantes aient été réalisées préalablement à toute mise sur le marché."

Avec la 5G, la fin de la "neutralité du réseau" ?

Enfin, il faut savoir que la 5G va s’appuyer sur le principe du slicing, qui consiste à "découper" le réseau pour allouer des ressources dédiées par type d’usage, et ainsi donner la priorité à certains services. "Tous nos appareils n’ont pas forcément besoin des mêmes ressources. Par exemple, une voiture autonome doit avoir la garantie d’une latence optimale, là où il faudra réserver à un smartphone un bon débit", explique Michel Corriou.

Si l’idée semble astucieuse (à noter que le slicing s’est déjà un peu développé avec la 4G), elle soulève plusieurs questions : un réseau fait de 'tranches' ne peut pas promettre une sécurité absolue. Certes, des solutions sont déjà sur la table – l’authentification renforcée, la virtualisation du réseau –, mais pour Michel Corriou, l’utilisateur se devra forcément d'être informé des niveaux de risques. "Est-ce les opérateurs vont être prêts à signaler à leur client qu’un niveau de sécurité est faible à un moment précis ?", s’interroge-t-il.  

Seconde zone trouble : "Si le réseau est 'morcellé', est-ce qu’une tranche considérée comme fiable va être attribuée à tous les véhicules connectés, ou juste à ceux de BMW, par exemple ? Pour l’instant, nous n’avons pas encore ce genre de détails." Si ce dernier cas de figure venait à devenir réalité, on pourrait presque parler de "fin de la neutralité du réseau". Orange est en tout cas déjà sorti du bois : pour l'opérateur français, la 5G est difficilement compatible avec les réglementations habituelles sur la neutralité du Net...

Une chose est sûre : il y a encore pas mal de pain sur la planche avant que la 5G vienne bouleverser notre quotidien.

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