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Le partenariat France-Chine en Afrique déterré par Emmanuel Macron

Emmanuel Macron a évoqué mardi à Pékin une coopération France-Chine en Afrique. Un projet au point mort depuis quelques années, mais qui pourrait enfin prendre forme sur les questions climatiques et sécuritaires.

Ce n’était pas le dossier le plus important de la visite d’État d’Emmanuel Macron en Chine (8-10 janvier). Le président français ne l’a d’ailleurs évoqué que l’espace d’une petite minute, mardi 9 janvier, durant son discours prononcé au côté de Xi Jinping. Mais l’annonce de la signature d’un partenariat entre la China Development Bank et l’Agence française de développement (AFD) pour soutenir des projets en Afrique en lien avec la lutte contre le réchauffement climatique, pourrait donner un coup d’accélérateur à la coopération franco-chinoise sur ce continent.

"Nous avons décidé d’approfondir notre concertation sur l’Afrique, où la Chine est de plus en plus présente, a ainsi affirmé Emmanuel Macron. Et l’objectif est de faire émerger des projets qui soient réellement utiles à l’avenir du continent et répondent aux aspirations des Africains. C’est l’esprit de l’accord-cadre signé devant nos yeux il y a quelques instants entre la China Development Bank et l’Agence française de développement, avec comme axe stratégique le climat."

Signature de notre partenariat avec la China Development Bank (CDB), en présence d'@EmmanuelMacron, pour le renforcement de notre action commune au service du #climat et du développement ! ???????????????? pic.twitter.com/3lNQ9gnuzW

  AFD_France (@AFD_France) 9 janvier 2018

Une déclaration qui semble marquer un tournant dans la volonté française de travailler avec la Chine en Afrique, puisqu’elle met davantage l’accent sur une politique d’aide et de soutien au développement de l’Afrique plutôt que sur les aspects économiques.

Il est vrai que la coopération entre la France et la Chine en Afrique n’est jusqu’ici jamais entrée dans le concret. Officiellement lancés en juillet 2015, les "partenariats franco-chinois en marchés tiers", qui ciblaient prioritairement l’Asie et l’Afrique, encourageaient les entreprises françaises et chinoises "à dépasser les schémas de sous-traitance traditionnels pour laisser place à des formules nouvelles de cotraitance, de coproduction et de cofinancement" en misant sur la complémentarité.

"Le projet initial ne fonctionnait pas"

Problème : malgré de nombreuses discussions sur le sujet en 2016, aucun projet n’a abouti. Après avoir été plusieurs fois reporté ces deux dernières années, le sommet Chine-France-Afrique prévu à Dakar n’a tout simplement jamais eu lieu. Et avant le départ d’Emmanuel Macron pour la Chine, l’Élysée a bien évoqué un projet en Namibie, mais sans pouvoir en dire davantage.

"Le projet initial ne fonctionnait pas, c’était un bébé quasiment mort-né, analyse Thierry Pairault, directeur de recherche émérite au CNRS spécialiste des relations entre la Chine et l’Afrique, contacté par France 24. Il a rencontré des obstacles institutionnels majeurs et les entreprises elles-mêmes n’étaient pas intéressées. Les grandes multinationales déjà implantées n’en avaient pas besoin et les PME françaises qui auraient pu être tentées étaient frileuses car elles ne savaient pas comment protéger leurs intérêts face aux Chinois. La confiance n’était pas là."

Il y avait pourtant, sur le papier, une certaine logique à développer un partenariat tripartite dans certains secteurs. Mais encore fallait-il avoir la volonté de trouver des entreprises complémentaires qui ne risquaient pas de se voler des techniques ou des clientèles.

"Il suffisait de chercher dans des secteurs relativement neutres d’un point de vue politique et qui pouvaient bénéficier aux trois parties, estime Thierry Pairault, citant l’exploitation du coton. Celle-ci pourrait se faire avec l'expertise française pour organiser les petits producteurs indépendants en partenariat avec des entreprises chinoises le transformant sur place avec des machines chinoises. Il y avait des choses phénoménales à faire dans le domaine agricole."

La Chine va travailler "au renforcement du G5 Sahel"

Face à ces blocages, Emmanuel Macron a donc changé de braquet. Plutôt que de parler des entreprises privées, c’est sur les banques publiques d’investissement qu’il a choisi de miser pour obtenir des résultats d’une part, et faire en sorte que ces projets soient utiles au développement de l’Afrique, d’autre part.

Dans l’immédiat, il y a toutefois probablement plus de chances de voir des avancées dans la coopération franco-chinoise sur la question du terrorisme. "Nous sommes également d’accord pour travailler ensemble au renforcement du G5 Sahel", a annoncé mardi Emmanuel Macron.

La France est très active depuis plusieurs mois pour mettre sur pied cette force militaire conjointe des cinq États du Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad). Ayant pour objectif de lutter contre le terrorisme dans cette zone stratégique, le G5 Sahel ambitionne à terme de porter ses effectifs à 10 000 hommes, mais il lui manque des financements.

Or, Pékin a besoin de sécuriser ses investissements en Afrique et son projet de "nouvelles routes de la soie". Déjà engagée militairement au Sahel avec la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma), ainsi que dans plusieurs autres missions de maintien de la paix sur le continent, la Chine, qui a ouvert sa première base militaire à l’étranger en 2017 à Djibouti, devrait donc participer au financement de la force du G5 Sahel. Même si là encore, ni chiffre précis, ni calendrier n’ont été communiqués par Emmanuel Macron et Xi Jinping.