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Vidéo : les enfants-soldats de la révolution au Népal, des armes aux urnes

Nos reporters sont retournés au Népal, à l'occasion des premières élections législatives sous la nouvelle Constitution de 2015. Le scrutin, qui s'est tenu fin novembre et début décembre, a été largement remporté par le bloc formé par les maoïstes et les communistes. Nos reporters ont rencontré trois anciens guérilleros qui se sont battus pour abolir la monarchie et veulent désormais participer à la construction de la jeune démocratie himalayenne.

Nos reporters reviennent ci-dessous sur trois moments-clés de leur tournage au Népal avec les anciens guérilleros :

Le précipice. Fin de meeting politique sur les hauteurs de la vallée de Karnali, dans l'ouest du Népal. Notre tournage a mis en retard Jeevan, ancien enfant soldat maoïste, désormais en charge de la campagne électorale de son ancien commandant de division. À la nuit tombée, nous descendons de la montagne en file indienne, torches à la main. Nous mettons moins d'une heure à dévaler les pentes que, la veille, nous avions mis cinq heures à gravir, équipements et caméras sur le dos. Nous essayons de suivre le pas des anciens combattants, qui n’ont pas perdu le rythme de leurs années de guérilla.

À mi-chemin, une lumière brille et un drapeau rouge flotte au-dessus d’une maisonnette en pierre – celle d’un paysan, ami des maoïstes. Le temps de reprendre leur souffle et de boire un thé au citron, les "camarades", qui s’interpellent ainsi, comme à l'époque, négocient la chèvre pour un dîner au coin du feu.

La marche reprend, silencieuse, mais fraternelle. Les yeux rivés sur le sol pour échapper au précipice. Difficile de ne pas imaginer les combats sanglants et les nombreux hommes qui sont tombés ici, il y a une dizaine d’années. Au total, environ 16 000 personnes ont été tuées pendant la guerre civile (1996-2006), les deux camps confondus.

Clientélisme politique. Sapana, héroïne de la guérilla, a rejoint le parti maoïste à 14 ans et s’est battue pendant la guerre, comme de nombreuses Népalaises. Plus d’un tiers des guérilleros étaient des femmes. Pour ces premières élections législatives, elles ne sont qu’une poignée de candidates, environ 7 %, dont Sapana.

Nous la suivons dans une dizaine de villages, les derniers jours de sa campagne, qui se terminera par un échec électoral. Nous la filmons confronter ses idéaux politiques à la réalité du Népal d’aujourd’hui : la pauvreté, les inégalités de castes, l’accès aux soins, à l’eau, à l’électricité… Les problèmes qui, dans le passé, ont incité Sapana à prendre les armes pour renverser la monarchie, sont les mêmes abordés durant sa campagne.

Dans l’un des villages que nous visitons, la candidate arrive trop tard pour convaincre. Nous surprenons les habitants en train de découper un mouton tout juste "offert" par le parti rival. Un clientélisme politique quasi systématique au Népal... Mais la rêveuse – Sapana signifie "rêve" en népalais – semble croire en sa mission démocratique et en son nouveau rôle de femme politique, loin de la gâchette.

Fusil d'assaut peint sur le mur. Alors que les élections législatives approchent, nous remarquons que de nombreuses routes du pays sont rénovées à la hâte. Une manière pour les élus en poste de montrer qu'ils s'attellent à rénover le pays... Mais Arjun et sa femme Purna, anciens combattants maoïstes dévoués à la cause révolutionnaire, ne sont pas dupes. Aujourd’hui, ils forment un couple de travailleurs acharnés. Dans leur exploitation que nous visitons, à Nawalparasi, tout est réglé comme du papier à musique. Une discipline militaire qui leur permet de faire vivre plusieurs employés, tout en s’assurant que leur ferme respecte la nature. Nous sommes bluffés par l’ingéniosité d’Arjun et son côté avant-gardiste. Arjun et Purna forment un couple à multiples facettes.

Mais quand leur fils et les grands-parents sont couchés, leurs regards se durcissent et leurs langues se délient. Ils se sont battus comme des tigres dans la jungle pour des leaders qui, après la guerre, n’ont pas tenu leurs promesses. Dans la petite baraque servant de toilettes au fond du jardin, le mur arbore toujours un fusil d’assaut peint. Mais au Népal, si le souvenir de la guerre semble indélébile, peu de personnes en sont nostalgiques.