Les autorités iraniennes ont annoncé, dimanche, la mort de deux manifestants lors d'un rassemblement dans l'ouest du pays la veille, alors qu'un mouvement de contestation gagne le pays. Une intervention télévisée de Rohani est prévue dans la soirée.
Les autorités iraniennes ont confirmé, dimanche 31 décembre, la mort de deux manifestants la veille à Doroud, dans l'ouest de l'Iran, affirmant que des "agents étrangers" et non la police étaient responsables de leurs décès.
"De violents affrontements ont éclaté lors du rassemblement illégal samedi à Doroud et deux personnes ont malheureusement été tuées", a déclaré un haut responsable iranien, le gouverneur adjoint de la province de Lorestan, dans une interview retransmise dimanche par la télévision publique.
"Aucun coup de feu n'a été tiré par la police et les forces de sécurité, a ajouté Habibollah Khojastehpour. Nous avons retrouvé la trace d'ennemis de la révolution, de groupes takfiris et d'agents étrangers dans ces affrontements." Le terme takfiri désigne les islamistes radicaux sunnites.
Le président iranien Hassan Rohani va s'adresser à ses compatriotes dans une allocution télévisée ce dimanche soir, a rapporté en début d'après-midi l'agence de presse iranienne Isna.
Le pays va par ailleurs restreindre temporairement l'accès à certains réseaux sociaux et bloquer des applications de messagerie pour contrôler le mouvement de contestation qui prend de l'ampleur, a indiqué un peu plus tôt la chaîne de télévision iranienne IRIB citant une source informée.
"Il a été décidé au plus haut niveau de la sécurité de restreindre l'accès à Telegram (ndlr, une application de messagerie sécurisée) et à Instagram", a précisé la chaîne publique.
Vague de contestation
L'Iran est confronté depuis trois jours à une vague de contestation sans précédent depuis les manifestations contre la réélection de l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad en 2009. Samedi, au troisième jour du mouvement de protestation contre les difficultés économiques et le régime, la police a dispersé avec des gaz lacrymogènes des jeunes manifestants à Téhéran, après la mise en garde du gouvernement contre les "rassemblements illégaux".
Dans la nuit, Internet a été coupé sur les téléphones portables au moins à Téhéran, ont pu constater les journalistes de l'AFP. Des millions d'Iraniens utilisent Internet sur ces téléphones.
Manifestation devant l'université de Téhéran
À la mi-journée, des dizaines d'étudiants se sont rassemblés devant l'entrée principale de l'université de Téhéran pour protester contre le pouvoir, avant que les forces de l'ordre ne les dispersent avec des gaz lacrymogènes.
Les étudiants manifestent aujourd'hui à Téhéran aux cris de "A bas la dictature", rejoignant le grand mouvement de protestation des villes en #Iran contre la vie chère et la dictature religieuse #FreeIran #Iranprotests @francediplo pic.twitter.com/HCGjoTOzhh
csdhi.org (@CSDHI) 30 décembre 2017Des centaines d'étudiants pro-régime ont pris plus tard le contrôle du lieu, selon des vidéos publiées sur les réseaux sociaux.
Mais en fin d'après-midi, des centaines de personnes ont manifesté ailleurs dans le quartier de l'université, scandant des slogans hostiles au pouvoir, avant d'être dispersées par la police anti-émeute largement déployée.
L'agence Mehr, proche des conservateurs, a mis en ligne sur la messagerie cryptée Telegram, suivie par près de 25 millions d'Iraniens, des vidéos montrant des manifestants attaquer la mairie du deuxième arrondissement à Téhéran et renverser une voiture de police.
Des vidéos diffusées sur Telegram par des chaînes basées à l'étranger et liées à l'opposition montrent des milliers de manifestants criant notamment "mort au dictateur", présentant ces protestations comme ayant eu lieu notamment dans les villes de Khorramabad, Zanjan ou Ahvaz, dans l'ouest du pays.
Pour qui suit l’Iran depuis des années, les manifestations riment avec confusion et la répression en cours fait craindre le pire : bcp de violence (y compris chez les protestataires) ; contrairement à 2009, la contestation n’a pas de leader ; difficile d’anticiper la suite.
Delphine Minoui (@DelphineMinoui) 30 décembre 2017"Rassemblements illégaux"
Plus tôt dans la journée, le ministre de l'Intérieur Abdolreza Rahmani Fazli avait demandé à la population de ne pas participer aux "rassemblements illégaux".
Face aux maux économiques du pays, isolé et soumis pendant des années à des sanctions internationales pour ses activités nucléaires sensibles, des protestations sociales ont eu lieu jeudi et vendredi dans plusieurs villes de province dont celle de Machhad, la deuxième d'Iran.
Le nombre des manifestants était limité au départ à quelques centaines mais c'est la première fois qu'autant de villes sont touchées par un tel mouvement depuis 2009, lorsqu'un mouvement de contestation contre la réélection de l'ex-président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad avait été violemment réprimé.
Le président américain Donald Trump, farouchement hostile à Téhéran et qui avait déjà dénoncé les arrestations vendredi, a affirmé samedi dans un tweet que "les régimes oppresseurs ne peuvent perdurer à jamais".
Oppressive regimes cannot endure forever, and the day will come when the Iranian people will face a choice. The world is watching! pic.twitter.com/kvv1uAqcZ9
Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 30 décembre 2017Le ministère des Affaires étrangères à Téhéran a déclaré que le peuple iranien n'accordait "aucune valeur [...] aux déclarations opportunistes" de Washington.
Avec AFP